JEUDI 15 MAI 2008 à 21 h

PRESENTATION DE L’EDITION ARGENTINE DU LIVRE

FIGURAS DEL DESTINO.
ARISTOTELES, FREUD Y LACAN
de
Danielle Eleb
Editorial Manantial, Buenos Aires, 2007


avec
Juan Pablo Lucchelli
Dominique Wintrebert

JEUDI 15 MAI 2008 à 21 h

MAISON DE L’AMERIQUE LATINE
217, Boulevard Saint-Germain 75007

ENTREE LIBRE


 
D'Aristote à Freud, et puis de Freud à Lacan, la rencontre est un élément à la fois déterminant et aléatoire de la causalité du sujet ; l'expérience analytique révèle un autre sens au destin du sujet. Ainsi, ce qui se produit "comme au hasard" vient à la rencontre du fantasme. Le destin du sujet peut se rejouer dans la cure. L’ouvrage aborde les figures du destin - Gradiva, Œdipe, Hamlet, celles du deuil et de la mélancolie, celle du cas clinique d'Helene Deutsch "La névrose hystérique de destinée" - qui incarnent ces destins singuliers, entre la causalité signifiante du sujet et la rencontre du réel.

Renseignements :
psy.francoarg.asso@free.fr



 
 

 
Présentation de l’édition argentine du livre Figuras del destino. Aristóteles, Freud y Lacan o el encuentro con lo real

Eduardo Mahieu : L’Association franco-argentine de psychiatrie et de santé mentale poursuit ses activités ce soir avec la présentation de l’édition argentine de l’ouvrage de Danielle Eleb Figuras del destino. Aristóteles, Freud y Lacan o el encuentro con lo real, paru à Buenos Aires en 2007 chez Manantial. Nous nous associons à cette publication du fait que la traduction de textes constitue un axe de travail dans lequel l’Association est engagée depuis ses débuts, dans les deux rives de l’Atlantique. En Argentine, rappelons la traduction de nombreux ouvrages de la psychiatrie française dans la collection Clásicos de la psiquiatría de l’éditorial Polemos. Aussi remarquable, en 2004, celle de la Classification française des troubles mentaux de l’enfant et de l’adolescent. Egalement, la revue Textos de la psiquiatría francesa que Juan Carlos Stagnaro a animé depuis 1999, et Vértex la principale revue argentine de psychiatrie, ont publié des traductions de nombreux articles de langue française. En France, nous avons présenté la traduction d’un texte de Enrique Pichon-Rivière dans l’ouvrage Enrique Pichon-Rivière, une figure marquante de la psychanalyse argentine, paru chez L’Harmattan en 2004. Enfin, tout récemment l’Association a participé activement à la traduction des deux tomes des Etudes psychiatriques d’Henri Ey, dont le premier volume a été présenté en avril dernier au congrès de l’Asociación de psiquiatras argentinos à Mar del Plata.

Dans un recueil de textes paru récemment (Petit Panthéon Portatif), Alain Badiou, préfacier du livre de Danielle Eleb, dont nous regretons qu’il n’ait pas pu être avec nous ce soir, évoque une confidence de son propre traducteur allemand à propos de la traduction française de la Phénoménologie de l’esprit de Hegel établie par Jean Hyppolite. Selon celui-ci, Hyppolite transforme un ouvrage de jeunesse en un véritable monument dont il pense que la philosophie allemande devrait impérativement venir s’instruire. De cette anecdote, qui ne manque pas de piquant dans la bouche d’un traducteur, nous faissons ressortir l’idée que la rencontre d’un ouvrage avec une autre langue peut lui réserver un destin tout à fait nouveau, ce qui convient à l’esprit de notre rencontre de ce soir. 
 

DANIELLE ELEB

J'ai le plaisir de présenter mon livre : "Figuras del destino, Aristoteles, Freud y Lacan o el encuentro de lo real" dans le cadre de la Maison de l'Amérique Latine. J'ai eu la surprise d'apprendre la traduction en espagnol par les éditions Manantial au début de l'année 2007. La lecture de mon travail dans une autre langue relève d'une interprétation, je suis curieuse de savoir comment les psychanalystes et philosophes argentins ont lu mon livre. 

Les changements, les événements de notre vie sont comparables à une révolution insaisissable mais radicale.Cet ouvrage est né d'une rencontre; perte, deuil et amour.Si l'expérience de la cure analytique, comme le souligne J. Lacan, ne change rien au réel, elle change tout pour le sujet. Cette vérité du changement, nous la devons à Freud, qui a tracé une voie pure par sa découverte de l'inconscient. En effet, elle modifie le sens et l'usage de la catégorie du destin. La relation de l'homme à la parole, au signifiant, change le cours de son histoire. Cette parole, dans la cure, qui s'adresse à l'Autre produit un sens nouveau, l'émergence de nouveaux signifiants dans le récit même de ce qui a fait événement. La fonction de la remémoration, la construction en analyse peut avoir un effet de surprise ; cette dimension essentielle de l'inconscient est liée au désir. C'est le "Je" qui vient au jour dans la cure, là ou était le désir inconscient. Mon travail introduit la dimension du réel dans son rapport à l'être, au sens ou la praxis désigne une action concertée par l'homme, afin de traiter le réel par le symbolique. La problématique lacanienne du hasard et du réel renouvelle la catégorie du destin, une rencontre va se faire avec l'amour ou avec le transfert qui n'est pas une pure répétition du passé dans le présent ; c'est un amour traversé par une perte, un deuil, en ce sens le destin du sujet peut se rejouer dans la cure. La Gradiva, Oedipe et Hamlet, le deuil et la mélancolie, le cas clinique d'Hélene Deutsch, "la névrose hystérique de destinée" incarnent ces destins siguliers, entre la causalité signifiante du sujet et la rencontre du réel. 

La question du sujet ne peut s'appréhender dans une problématique phénoménologique du vécu, mais bien sur le plan de l'assomption symbolique de son destin: ..."à savoir, qu'est ce que son histoire signifie ?" Ainsi, les concepts sujet et destin sont liés à la causalité, au sens de la causalité psychique chez Freud et Lacan. La catégorie du destin n'est pas homogène dans les séminaires de Lacan. Dans "l'Ethique de la psychanalyse", Lacan se référe au tragique grec, Sophocle, il introduit la visée du désir d'Antigone à partir de la pulsion de mort chez Freud. Dans "les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse", ce n'est pas Sophocle, mais la "Tuché" dans la physique d' Aristote qui renouvelle la catégorie du destin, et implique une nouvelle conception de l'inconscient comme non réalisé. 

Si la découverte freudienne nous a appris à voir dans les symptômes une figure, au sens de la figure du destin, J. Lacan élabore un destin des temps modernes à partir des mathématiques modernes (le réseau des signifiants) et de la Tuché d'Aristote. A une causalité signifiante du sujet qui est de l'ordre de l'automaton, il articule la Tuché au sens de la bonne ou mauvaise rencontre, rencontre du réel ; ainsi la causalité est un élément logique du destin. 

Si le fil de notre travail est la tuché d'Aristote dans la causalité lacanienne, notre hypothèse est la suivante : il existe quatre modalités du destin lacanien qui modifie et renouvelle le sens et l'usage de cette catégorie. 

- La Cause, comme causalité psychique, relayée par l'interprétation lacanienne d'Automaton et tuché. C'est une dialectique entre la détermination symbolique du sujet(au sens de la causalité signifiante), et une surdétermination du réel.La cause accidentelle devient cause du sujet et choix inconscient.L'accidentel devient une cause de l'être, au sens d'une surdétermination du sujet. 

- Le Choix du sujet, un sujet inconscient, qui n'en est pas moins désirant.La rencontre de Norbert Hanold et de Gradiva n'est pas une pure répétition du passé dans l'actuel, n'est pas réductible à l'automaton. 

Ce qui se produit "comme au hasard" vient à la rencontre du fantasme.Il s'agit donc bien de la part prise par le désir du sujet dans la rencontre. La tuché n'est pas réduite à l'automaton, mais déterminée par un désir qui ne se sait pas. 

- L'Amour en tant que fille du hasard n'est pas la pure répétition d'un amour passé. C'est un amour traversé par une perte, un deuil. La tuché peut contredire le déterminisme et introduire la dimension de l'aléatoire dans la causalité du sujet. 

- L'Inconscient : l'inconscient lacanien n'est pas un pur automaton, mais fait appel à la tuché, au sens de la rencontre du réel. Cela implique une nouvelle conception de l'inconscient comme non réalisé, comme trou, comme vide ; qui aspire à une certaine réalisation : "car cet indéterminé de pur être qui n'a point d'accès à la détermination, cette position primaire de l'inconscient qui s'articule comme constitué par l'indétermination du sujet, c'est à cela que le transfert nous donne accès d'une façon énigmatique" (1) 

Si Freud établie une analogie entre l'archéologie et l'inconscient, le destin du sujet est lié à cet inconscient archéologue. L'inconscient freudien est à l'intérieur du sujet, il aspire à devenir conscient. L'inconscient lacanien est à l'extérieur du sujet, dans le rapport du sujet à l'Autre : "L'inconscient, c'est le discours de l'Autre" (2). Ce discours de l'Autre qu'il s'agit de réaliser est au dehors. Ainsi, ce que Freud définit comme le devenir conscient à l'intérieur du sujet, Lacan l'appréhende comme non réalisé, l'inconscient entre être et non être est à l'extérieur, discontinu.

La matière de cet inconscient, c'est du langage, de la parole.Il n'est pas permanent dans le temps et n'a pas d'attributs fixes. Il s'agit d'un automaton déréglé qui révèle une loi, celle de la chaine inconsciente. Une rencontre va se faire avec l'amour ou avec le transfert qui n'est pas une pure répétition du passé dans le présent. C'est l'amour de transfert qui réalise l'inconscient non réalisé.Cet inconscient n'est pas un plein, mais un vide, il n'est pas seulement une mémoire. La réalité de l'inconscient n'est pas un être, un non être, mais un peut être, au sens d'advenir, de ce qui devrait être et non de ce qui est. 

Lacan suspend la certitude d'une substance, d'un étant au profit d'une éthique au sens d'advenir. L'inconscient dans sa relation au transfert est un vide opposé à sa face de répétition. Cet inconscient n'est pas épuisé dans la définition de "l'inconscient est structuré comme un langage". La présence même de l'analyste dans la définition de l'inconscient fait valoir des propriétés au delà du repérage du signifiant.

Ces quatre modalités du destin sont à l'œuvre dans chacune des parties suivantes : "Aristote, Freud et Lacan ou la rencontre du réel" et "Figures du destin". La première partie nous introduit à la problématique du hasard et du réel à partir d'Automaton et Tuché dans la Physique d'Aristote. L'analyse se définit d'une praxis qui s'inscrit au cœur de l'expérience, qui est le noyau du réel. Ce réel, ou le rencontrons nous?Il s'agit d'une rencontre essentielle avec un réel qui se dérobe. Un réel au delà de l'Automaton, du retour, de l'insistance des signes, tel qu'il est commandé par le principe du plaisir. 

Ce réel qui git derrière l'Automaton, tel est le sens de la recherche de Freud dans l'Au delà du principe de plaisir en 1920.Qu'est ce qui conduit Freud à poser l'existence d'une pulsion de mort? Il prend en considération dans des registres divers les phénomènes de répétition qui ne se laissent pas réduire à la recherche d'une satisfaction libidinale, ou à une tentative de maitriser les expériences déplaisantes. 

A l'origine de l'expérience analytique, le réel s'est présenté sous la forme du non symbolisé, du hors signifiant, à savoir le trauma.Le trauma, Freud lui attribue une origine accidentelle et l'inscrit dans le conflit entre le principe de plaisir et le principe de réalité. 

Quelle est la fonction de la Tuché pour Lacan? C'est la rencontre en tant qu'elle peut être manquée, qu'essentiellement elle est la rencontre manquée.(1) Il va ainsi articuler rencontre du réel et trauma , dans une dialectique du sujet qui a pour centre une mauvaise rencontre. C'est ce manque de signification dans la rencontre avec le réel qui est traumatique. 

La Tuché, telle que Lacan l'élabore, suppose un choix, qu'il situe au champ de l'inconscient et non de la pensée comme le développe Aristote, en ce sens,la rencontre de N. Hanold et de Gradiva (2) n'est pas une pure répétition du passé dans l'actuel, n'est pas réductible à l'Automaton. Ce qui se produit comme au hasard vient à la rencontre du fantasme.Le fantasme masque un réel premier, déterminant : ce réel, Lacan le fait "hasard". 

Selon Freud, le délire de N. Hanold évolue vers la guérison grâce à une heureuse conjoncture, à la puissance curative de l'amour. Cette heureuse conjoncture, nous pouvons lui donner le nom de bonne fortune au sens de la Tuché d'Aristote et de bonne rencontre au sens de Lacan. Cette bonne rencontre qui n'est pas ici rencontre manquée, réalise ce que l'amour ou le transfert seuls, sont susceptibles de réaliser : l'amour comme fille du hasard. 

Dans la deuxième partie, ce sont les figures du destin, telles celles de Gradiva, d'Oedipe et d'Hamlet et du cas clinique d'Hélène Deutsch "la névrose hystérique de destinée" qui incarnent ces destins singuliers, entre la causalité signifiante du sujet et la rencontre du réel.Cette série de figures illustrent la singularité de cette rencontre du réel, à partir d'une lecture du destin, en faisant varier les modalités de la cause, du choix, de l'amour traversé par une perte, et de l'inconscient entre être et non être.

Freud, dans son texte "Deuil et mélancolie" (Métapsychologie) (1) développe que le ressort majeur de la fonction du deuil est l'identification à l'objet aimé et perdu. C'est Hamlet après la mort d'Ophélie, "c'est au moment de la révélation de ce qu'a été pour lui cet objet négligé, méconnu, que nous voyons là jouer dans Shakespeare à nu, cette identification à l'objet" (2). Si l'objet est fondamentalement perdu, accéder à cette perte suppose la constitution de l'objet dans le désir.Lacan introduit la formation de l'objet du désir dans le fantasme sur la base d'un sacrifice, d'une privation. 

Quelle est dans cette perspective, la fonction du deuil? Il n'y aurait pas de relation d'objet sans deuil, dans la mesure ou c'est une part de soi qui accompagne toute perte. S'il n'y a pas de retrouvailles de l'objet perdu, le travail du deuil opère un véritable bouleversement dans la relation d'objet; il a une fonction créatrice. Ainsi, le deuil de l'objet est il une condition de l'amour, d'un amour traversé par une perte, une séparation. 
S'il existe des figures féminines du destin dans l'œuvre de Lacan, Antigone, Ophélie, Sygne de Coufontaine dans la trilogie de Paul Claudel ; la catégorie du destin dans les séminaires de Lacan n'est pas homogène. 

Dans "L'Ethique de la psychanalyse", Lacan se référe au tragique grec, Sophocle. Il introduit la visée du désir d'Antigone à partir de la pulsion de mort chez Freud. Là ou l'héroine antique est identique à son destin, Até, à la loi divine, l'héroine de la tragédie contemporaine, Sygne de Coufontaine va à l'encontre de tout ce qui tient à son être.Elle a rencontré l'objet de son désir, mais il lui est dérobé.Elle doit renoncer à ce qui est son être même, et trahit son éthique : "ici, nous sommes au delà de tout sens " (3). Selon les termes d'Aristote, non pas "par la terreur et par la pitié, mais à travers toute terreur et toute pitié franchies" (4). 

Qu'est-ce que l'analysé vient chercher en analyse ? : "Il vient chercher ce qu'il y a à trouver...et la seule chose qu'il y a pour lui à trouver, à proprement parler c'est le trope par excellence, le trope des tropes, ce qu'on appelle son destin" (5). 

La découverte Freudienne nous a appris à voir dans les symptômes , une figure au sens de la figure du destin.Le fait de savoir permet de s'orienter dans un travail de cure.Un cas clinique d'Hélène Deutsch, datant de 1930 sur "La Névrose Hystérique de destinée"nous permettra de poser la question suivante : qu'est -ce que la névrose hystérique de destinée ? Et de suivre le chemin qui va de la cause à la fin de la cure analytique. 

Quel est le statut du destin dans Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse? Ce destin des temps modernes, Lacan l'élabore à partir des mathématiques modernes(le réseau des signifiants), et de la Tuché d'Aristote : "il s'agira donc de réviser le rapport qu'Aristote établit entre l'automaton , et nous savons, au point ou nous en sommes de la mathématique moderne que c'est le réseau des signifiants et ce qu'il désigne comme la Tuché-qui est pour nous la rencontre du réel" (6).

1) S. Freud : Métapsychologie, Idées NRF.
2) J. Lacan : séminaire "L'Angoisse", 1962. 
3) J. Lacan : Le Transfert, p 325. 
4) Aristote, cité par Lacan, p 326.
5) Le Transfert, p 372.
6) J. Lacan : Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse p 51.

Si le sujet est pris dans le réseau des signifiants, Lacan fait référence à Aristote pour l'élaboration d'une causalité psychique qui intègre "la tuché" comme cause. Aristote comme Lacan ont introduit dans la causalité, l'accidentel; la tuché, bonne ou mauvaise fortune est une cause.Lacan fait de l'absence, de ce qui n'a pas été, de la fortune, une cause ; une détermination du sujet. Il nous donne une définition de la névrose de destinée à partir de la tuché : "...dans Père, ne vois tu pas, je brule, il y a le même rapport à quoi nous avons affaire dans une répétition. C'est ce qui pour nous se figure dans l'appellation de névrose de destinée, ou de névrose d'échec. Ce qui est manqué n'est pas l'adaptation, mais tuché, la rencontre." (1) D'Aristote à Freud, puis de Freud à Lacan, la rencontre est un élément à la fois déterminant et aléatoire de la causalité du sujet. 

Quelle est la fonction de la tuché pour Lacan? : "C'est la rencontre en tant qu'elle peut être manquée, qu'essentiellement elle est la rencontre manquée". (2) Il va ainsi articuler rencontre du réel et trauma. En effet, cette rencontre manquée se présente dans l'histoire de la psychanalyse sous la forme du trauma. Ce trauma, Freud lui attribue une origine accidentelle et l'inscrit dans le conflit, l'opposition entre le principe de plaisir et le principe de réalité. Ainsi, il n'y a pas de destin type chez Freud, mais une série de cas ou le destin se joue certes, entre le constitutionnel et l'accidentel, mais toujours dans des figures métaphoriques, telle "La Gradiva" ou le destin apparait comme métaphore de l'inconscient. 

Norbert Hanold, le héros du roman de Jensen s'interroge sur l'apparition corporelle de Gradiva, qui est à la fois morte et vivante . Dans cette rencontre de hasard la voix de Gradiva est un objet déjà connu, perdu, retrouvé. Pour Freud , c'est du passé dans le présent. Norbert Hanold, disant à Gradiva "Je savais que tel était le son de ta voix", avoue qu'il n'a jamais entendu sa voix, mais qu'il s'attendait à l'entendre. Dans la rencontre de hasard, le sujet vient à la rencontre de son désir sans qu'il l'ait voulu. 

Du point de vue d'Aristote, la tuché suppose un choix de la pensée, c'est ce qui distingue la fortune du pur hasard, qui est en vain, du non réalisé au sens d'une répétition sans finalité. Pour FREUD, cette répétition est nécessaire, on ne peut détruire l'objet "in abstentia" il faut qu'il soit symbolisé. Il s'agit en apparence d'une rencontre de hasard, mais le héros s'aperçoit peu à peu que c'est la petite fille dont il était amoureux ; sa "voix" est du passé dans le présent.Ainsi la tuché, dans l'interprétation de FREUD, est réduite à de l'automaton.(1) La tuché, comme rencontre du réel, telle que Lacan l'élabore, suppose un choix du sujet qu'il situe au champ de l'inconscient et non de la pensée. En ce sens, la rencontre de N.Hanold et de Gradiva n'est pas une pure répétition du passé dans l'actuel,elle n'est pas réductible à l'Automaton, ou au déterminisme freudien. 

Ce qui se produit comme au hasard vient à la rencontre du fantasme. Il s'agit donc bien de la part prise par le désir du sujet dans la rencontre. La tuché n'est pas réduite à l'Automaton, mais déterminée aussi par un désir qui ne se sait pas. Le fantasme masque un réel premier, déterminant : "Le fantasme n'est jamais que l'écran qui dissimule quelque chose de tout à fait premier, de déterminant dans la fonction de la répétition" (2). Derrière le fantasme Lacan introduit le réel, un réel premier, au sens ou ce qui se répète est ce qui n'était pas, une absence. Ce réel, Lacan le fait hasard. 

Selon FREUD, le délire de N.Hanold évolue vers la guérison grâce à une" heureuse conjoncture ", à la puissance curative de l'amour.Cette "heureuse conjoncture", nous pouvons lui donner le nom de "bonne fortune " au sens de la tuché d'Aristote et de" bonne rencontre "au sens de Lacan.Soulignons que cette bonne rencontre qui n'est pas ici rencontre manquée, réalise ce que l'amour ou le transfert seuls, sont susceptibles de réaliser.L'amour comme "fille du hasard", ce qui n'est pas le point de vue de FREUD. Le transfert lacanien n'est pas du pareil au même qu'un amour ancien. En ce sens, le destin du sujet peut se rejouer dans la cure, la rencontre avec le psychanalyste est une rencontre qui n"a pas son répondant dans l'inconscient. 

(1)Automaton: le hasard pour Aristote et la répétition pour Lacan 
(2)J.LACAN:"Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse" 

Citons Lacan à propos de son analyse de la cause et de la tuché:"...cela indique que la cause de l'inconscient, et vous voyez bien qu'ici le mot cause est à prendre dans son ambigüité, cause à soutenir, mais aussi fonction de la cause au niveau de l'inconscient, cette cause doit être foncièrement conçue comme une cause perdue et, c'est la seule chance qu'on ait de la gagner. C'est pourquoi j'ai mis en relief dans le concept méconnu de la répétition ce ressort qui est celui de la rencontre toujours évitée, de la chance manquée" (1).

Il élabore une dialectique entre la détermination symbolique du sujet(au sens de la causalité signifiante) et une surdétermination du réel ; la cause accidentelle devient cause du sujet et choix inconscient. L'accidentel devient une cause de l'être, au sens d'une surdétermination du sujet. 

Ainsi, dans l'écrit "Position de l'inconscient", Lacan reprend la théorie des quatre causes chez Aristote: ce serait le signifiant qui serait la cause première,celle qui rassemblerait l'apparente discordance des quatre causes d'Aristote. Dans" la science et la vérité", Lacan situe le signifiant comme la cause matérielle et l'objet (a) comme cause formelle au sens de la vérité comme cause. Citons ce passage:"L'incidence de la vérité comme cause dans la science est à reconnaitre sous l'aspect de la cause formelle.Mais ce sera pour en éclairer que la psychanalyse par contre en accentue l'aspect de cause matérielle. Telle est à qualifier son originalité dans la science. Cette cause matérielle est proprement la forme d'incidence du signifiant que j'y définis" (2). Si la cause perpétue "la raison qui subordonne le sujet à l'effet du signifiant" Lacan distingue la rétroaction du signifiant et la cause finale. 

Ainsi, le signifiant serait la seule et vraie cause première ou l'on verrait se rassembler l'apparente discordance des quatre causes d'Aristote, et " les analystes pourraient de leur terrain, à cette reprise contribuer. Il en auraient la prime de pouvoir se servir du terme freudien de surdétermination autrement que pour un usage de pirouette"(3) 

(1) J. Lacan: "Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse" p: 117.
(2)J. Lacan: Ecrits"La science et la vérité" 1965 -66,p. 875.
(3)J. Lacan: Ecrits"Position de l'inconscient" 1960 p. 839.

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DOMINIQUE WINTREBERT

Comme le titre l’indique, le livre de Danièle Eleb prend pour thème ce joli mot de destin, véritable signifiant-maître de son travail, et en bonne philosophe éclairée par la psychanalyse, tout son livre s’interroge sur la part de liberté dont dispose le sujet pour mener sa vie. Notre destin est-il déjà écrit comme le concept de savoir inconscient pourrait le faire valoir et comme le travail de Freud sur la Gradiva de Jensen semble l’illustrer ? Sommes-nous tributaires des traumatismes rencontrés, confer ici le meurtre de son père pour Hamlet ? Avons-nous une part de manœuvre ? Voire, une psychanalyse nous fait-elle devenir autre chose que ce que nous sommes vraiment ? Nous allons détailler ces différents aspects. Les trois autres concepts isolés par Alain Badiou dans sa préface nous semble seconds : cause, rencontre, identification ne sont là que pour tenter de penser ce qui éclaire ce destin. 

Mais, Danièle, dans votre titre apparaît aussi le terme de « figures » sous l’intitulé Figures du destin. Et déjà, ici, une première question peut vous être formulée puisque ce terme de figure est opaque. Il semble à la jonction de l’imaginaire et du symbolique et pourrait évoquer un premier Lacan, celui qui entend se déprendre de la gestalt, de la psychologie de la forme, d’abord avec le concept d’imago, qui, comme vous le notez comporte le signifiant dans l’image, suivi du Lacan qui entend débarrasser le symbolique de tout imaginaire et tente d’écrire ce symbolique en langage mathématique. De là, peut-être, la nécessité pour vous de rajouter la catégorie du réel dans la suite qui précise votre titre : Aristote, Freud et Lacan ou la rencontre du réel. Donc, pouvez-vous préciser ce que vous entendez par « Figures » ?

Le livre comme objet
Je n’ai pas eu accès à l’édition espagnole. Je vais donc à l’occasion de sa traduction en Argentine dans cette belle langue castillane vous faire part de ma lecture de l’édition française. Edité chez Erès, dans la collection Point hors ligne, le livre fait 160 pages, clairement divisées en deux parties, la deuxième partie du titre devenant le premier sous-ensemble - Aristote, Freud et Lacan ou la rencontre du réel faisant une soixantaine de pages -, la deuxième, - Figures du destin –, plus copieuse, étant consacrée à donner des exemples à ce qui a été développé antérieurement. En couverture, une reproduction d’un bas-relief superbe de Pompéi représentant la fameuse Gradiva, conservé aujourd’hui au musée Chiaramonti au Vatican. Dans sa notice muséographique, Alain Pasquier en parle ainsi (je n’en livre qu’une partie) : 

« Se détachant sur un espace indéfini, la silhouette donne l’impression de l’équilibre le plus sûr. La main droite, sous le manteau, se situe au niveau de la hanche, à la même hauteur que la gauche, découverte, qui relève doucement l’étoffe pour empêcher qu’elle n’entrave l’avancée du pied. Saisi dans un profil au contour net, où l’aisance s’allie à l’élégance, le corps est supporté par la jambe gauche, tandis que le pied droit laissé à l’arrière ne fait qu’effleurer le sol par l’avant de la semelle : la jeune femme est chaussée de sandales dont les lanières devaient être notées par la couleur. »
Une préface, assez courte, présente le livre. Alain Badiou, dont nous regrettons l’absence, en est l’auteur. Sa préface où sont soulignées les qualités du livre - logique, expérimenté, plaisir de lecture - est élogieuse.

La référence aristotélicienne
Le  ressort principal du livre est la référence développée dans le Séminaire XI, les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse de Lacan sur un passage de la Physique d’Aristote où ce dernier distingue deux modalités de la causalité : la tuché et l’automaton. Impossible d’ailleurs de ne pas les mettre en série avec la reprise faite par le même Lacan dans « La science et la vérité » de la distinction opérée par le même Aristote entre cause efficiente, cause formelle, cause matérielle et cause finale, rapportant chacune d’entre elles respectivement à la magie, la science, la psychanalyse et la religion. Ceux qui ne connaissent pas cet aspect de l’élaboration aristotélicienne seront éclairés par l’image classique de la statue où l’on peut distinguer comme cause efficiente le ciseau du sculpteur, identifié à la magie par Lacan, comme cause formelle la forme de la statue, une statue équestre par exemple, et cela est rapporté par Lacan à la science, comme cause finale la destination de cette statue, l’exemple d’un hommage à San Martin ici ne choquera personne, et nous sommes ici du côté de la religion, enfin comme cause matérielle référée à la psychanalyse, le marbre même à partir duquel se sont exercées les autres causes. C’est la matérialité même du signifiant qui est ici mise en avant.

Pour Danièle Eleb, la tuché d’Aristote renouvelle la conception du destin chez Lacan. Elle oppose la causalité signifiante de l’automaton et la rencontre du réel implicite à la tuché. Mais il faut ici rappeler que Lacan construit à cette même époque les deux opérations à même de rendre compte de la prise de l’animal humain dans le langage : l’aliénation et la séparation, toutes deux étant indissociables et nécessitant de les penser ensemble.  Une deuxième question vient alors. En considérant que l’aliénation est référée, comme l’automaton, au signifiant, et que la séparation, construite dans Le Séminaire L’angoisse comme une quasi mutilation, soit pour le dire vite, comme une mauvaise rencontre, peut être pensée à partir de la tuché , comment s’articule les couples automaton et aliénation et tuché et séparation ?

Freud, en se fondant sur la clinique, parle de réalité subjective, façon de dire que nous avançons dans une réalité choisie subjectivement dans laquelle nous nous heurtons toujours aux mêmes obstacles, sommes aveugles à certaines autres choses, croyons faire des choix en toute liberté alors qu’ils sont surdéterminés à notre insu, etc. Une part de la fortune au sens de la tuché s’explique ainsi : nous trouvons ce que nous étions prêts à rencontrer. L’exemple le plus sensible est celui du choix amoureux que Freud fait reposer sur une liebesbedingung, une condition d’amour inconsciente. C’est ce que vous appelez, suivant Lacan, l’inconscient  comme non réalisé. Mais il y a une autre face de la tuché : celle qui fait de la rencontre un traumatisme. Michel Silvestre allait jusqu’à dire qu’une rencontre qui n’est pas ratée est un traumatisme. Là, la clinique de l’angoisse est un guide sûr. Elle force le sujet à l’invention, à l’acte. Là encore, ne pourrait-on subdiviser cette question du traumatisme puisque la clinique nous enseigne que pas tous les traumatismes sont facteurs d’une pathologie traumatique, voire que certains sont facteurs de réveil salutaire pour le sujet ?

Mais si l’on considère l’automaton, on peut bien également lui concevoir deux faces, comme à la tuché. Il y a l’insistance des signifiants, celle qui fait dire au premier Lacan qu’il n’y a de résistance que de l’analyste que si l’analyste tient sa partie, la parole pleine va pouvoir se déployer, et il y a la répétition du symptôme qui, tel un index, vient désigner, au-delà de son message, le réel auquel le sujet est contraint. Mais justement, ce thème de la répétition est celui qui conduit Freud à formuler sa pulsion de mort et à construire sa seconde topique. Les trois exemples cliniques qui l’y conduisent sont pour mémoire la névrose traumatique, la réaction thérapeutique négative et le jeu chez l’enfant, soit trois formes de répétition qui échappent à la dialectique principe de plaisir/principe de réalité. C’est une façon de dire que l’automaton n’est pas qu’aliénation signifiante, il est aussi index du réel. Vous reprenez d’ailleurs le plus célèbre des jeux de l’enfant, le fameux fort/da pour en noter le déplacement interprétatif qui s’opère de Freud à Lacan, le premier – Freud - faisant du jeu une manière pour l’enfant de se rendre maître du traumatisme du départ de la mère, créant, pourrait-on dire, à partir d’une tuché un automaton, le second, Lacan, faisant du jeu une mutilation où l’enfant se sépare de cette part de lui-même partie avec la mère. Etes-vous d’accord avec cette proposition : l’écart que produit Lacan par rapport à Freud est de penser ensemble tuché et automaton ? La séparation incarnée par cette bobine qui disparaît dans le berceau est conjointe à la paire signifiante qui marque l’accès au langage de l’enfant : fort/da. Elle lui est comme consubstantielle. Alors, j’aimerais avoir votre avis là-dessus et vous poser au passage cette question :

Si l’aliénation est rapportée à la cause matérielle, celle propre à la psychanalyse et si la séparation est rapportée à la cause formelle, celle qui est le ressort de la science, où ranger cause efficiente et cause finale, d’autant que l’idée même de cause finale n’est pas sans faire singulièrement résonner celle de destin ?

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SUSANA ELKIN

Tout d’abord je voulais remercier Danielle Eleb d’être venue nous présenter son livre, et  je voulais reprendre l’interrogation de tout à l’heure: pourquoi son livre a pu intéresser les argentins. Au delà de la pertinence du livre lui même, qu’on a tous pu constater ce soir, il y aurait t il un intérêt particulier qui touche les argentins? D’abord on sait que les argentins sont gourmands de toutes les publications françaises qui concernent  les sciences humaines et en particulier la psychanalyse, surtout quand elles sont de qualité . Mais , est ce que le titre lui même du livre,  renvoit-il a quelque chose de profondément argentin? Figures du destin. L’Argentine est un pays construit, depuis la fin du XIX siècle par des immigrants: des ouvriers de l’Europe du sud qui échappaient à la faim, des travailleurs qui fuyaient la misère, des intellectuels qui échappaient au massacre, des disciples de Freud, tous voulaient « tordre le cou » à leur destin d’origine. L’Argentine a accueilli toutes ces personnes qui se sont posés à un moment de leur vie la question de changer leur destin, de modifier la direction qui leur imposait l’histoire dans laquelle ils étaient nés.

Est-ce que la psychanalyse est une figure du destin de l’histoire argentine? De ce métissage intellectuel, est ressorti , peut être, une nécessité, au sens d’une tuché. Une rencontre. La psychanalyse en Argentine est peut être une rencontre, produit de ce metissage intellectuel, une figure des temps modernes.
 
 

REPONSES AUX QUESTIONS SOULEVEES PAR D.WINTREBERT 

Question: notre destin est il déjà écrit? 

D. ELEB : dans l'interprétation freudienne de La Gradiva de Jensen, la rencontre de N. Hanold et de Gradiva est une pure répétition du passé dans l'actuel. La voix de Gradiva est un "objet" (a) déjà connu, perdu, retrouvé. Pour Freud, trouver l'amour c'est en quelque sorte le retrouver, c'est une retrouvaille de l'objet perdu. Ce destin, écrit au sens de l'inconscient, du refoulé, fait retour à l'occasion de cette rencontre avec Gradiva. La levée du refoulement est une fin de la cure analytique dans l'œuvre de Freud. Le couple parental représente aussi bien le destin freudien. Ces Imagos sont, en quelque sorte les figures freudiennes les plus importantes de notre histoire. L'opération de séparation que met en acte la cure analytique, autorise le sujet à un autre destin que celui qui fut désiré par ses parents. 

L'analyse lacanienne de l'inconscient, entre être et non être, n'est pas une pure répétition, mais bien une fonction du vide. 

En effet, Lacan distingue répétition et transfert, cet inconscient non réalisé, se réalise dans la cure par la parole, puis par les actes. Ainsi, tout n'est pas écrit, nous continuons à écrire dans la cure à partir de nouveaux signifiants qui émergent et produisent un effet de surprise, de trouvaille de l'inconscient. Pour répondre à votre question, une part de détermination symbolique et une part d'indétermination, entre être et non être,laisse une place à la contingence, au jeu de désir et au devenir du sujet. 

Sommes nous tributaires des traumatismes, dites vous. Ce n'est pas le trauma en soi, mais la réponse du sujet au trauma, à savoir le fantasme qui le recouvre qui est en jeu, aussi bien chez freud que chez Lacan. Que faisons nous de nos traumas? Pour freud, notre réponse au trauma est une forme de défense qui doit être corrigée par la cure analytique. Pour Lacan, la rencontre entre les sexes est traumatique dans la mesure ou il n'y a pas de rapport sexuel (mais des relations); L'amour supplée à ce non rapport entre les sexes.La rencontre manquée est manquée à un niveau logique mais pas tout à fait manquée au niveau de la réalité. Lacan va articuler, comme je le développe dans mon livre, rencontre du réel et trauma, dans une dialectique du sujet qui a pour centre une mauvaise rencontre.

Quant au destin d'Hamlet Lacan l'analyse à partir du manque: qu'est ce qui manque à Hamlet? C'est la castration nécessaire pour accéder à l'objet de son désir, "Ophélie". La modernité du destin d'Hamlet tient au savoir; il sait comment son père a été tué, il en sait trop.C'est le héros moderne, à la fois hystérique et obsessionnel dans ses relations à l'objet de son désir.C'est une figure du destin qui nous parle encore, il présentifie tout le génie de Shakespeare. 

Vous soutenez que les concepts de "cause", "choix", "amour", "inconscient" sont second au regard de la catégorie du destin dans mon ouvrage: pourtant, je soutiens l'hypothèse d'un destin des temps modernes à partir de ces quatre modalités qui renouvellent le sens et l'usage de la catégorie du destin. Ce n'est ni le destin antique (le tragique), ni le destin freudien (répétition et trauma) mais un destin lacanien ou la cause, aussi accidentelle soit elle est une cause de l'être. 

C'est une dialectique entre la détermination symbolique du sujet et une surdétermination du réel. Quant au choix du sujet, s'il se situe au champ de l'inconscient, il n'en est pas moins désirant ; c'est sa part, prise dans la rencontre qui est en jeu. Lacan introduit un nouvel amour, qui n'est pas une pure répétition d'un amour passé ; l'amour comme "fille du hasard" n'est pas réductible à une détermination symbolique (celle de la chaine signifiante), c'est un amour traversé par une perte, un deuil.Ce deuil devient une condition d'un nouvel amour. Ces quatre concepts du destin constituent un nouage. 

Qu'entendez vous par "figures"? Ces "figures" ne sont pas des exemples mais le processus même de travail des concepts (cause, choix, amour, inconscient) à partir d'une analyse clinique d'Hamlet, de la Gradiva, de la névrose hystérique de destinée; puis du deuil et de la mélancolie. Il n'y a de science que du singulier en psychanalyse, ces figures, mises à l'épreuve de mon hypothèse d'un destin des temps modernes s'en trouvent transformées, actualisées (le cas clinique d'H. Deutsch). Comme le souligne A. Badiou dans la préface, certaines figures sont abstraites ou conceptuelles : en effet Hegel et Lacan m'ont donné l'occasion de travailler sur la dialectique du désir dans son rapport à l'imaginaire et au symbolique. 
Lacan lui même est une grande figure du destin de la psychanalyse en France et en Amérique Latine. Sa relecture de freud et de la philosophie (Aristote, Hegel, Kierkegaard) ne cesse de nous intéresser.

Aliénation -Séparation: comme je le développe dans mon exposé, l'aliénation et la séparation sont les concepts de "l'opération" du sujet chez Hegel et Lacan. Automaton et Tuché ont une valeur logique dans le destin du sujet; ils ne peuvent être identifiés à l'aliénation et à la séparation. Par ailleurs, mon travail n'oppose pas la causalité signifiante de l'automaton et la rencontre du réel implicite à la Tuché.Il s'agit bien d'une dialectique entre cette causalité signifiante et la rencontre du réel. Soulignons que la dimension de la contingence chère à Aristote et Lacan réside dans ce "pas tout" signifiant.Ce manque "inclus" relève de la logique de l'inconscient, Automaton et Tuché s'inscrivent dans cette logique.Comme le démontre le "jeu" du Fort Da chez l'enfant  et le stade du miroir chez Lacan, l'aliénation et la séparation sont des opérations du sujet qui marquent une temporalité,une division  originaire du sujet qui comporte toujours une perte.