Présentation
de l’édition argentine du livre Figuras del destino. Aristóteles,
Freud y Lacan o el encuentro con lo real
Eduardo
Mahieu : L’Association franco-argentine de
psychiatrie et de santé mentale poursuit ses activités ce
soir avec la présentation de l’édition argentine de l’ouvrage
de Danielle Eleb Figuras del destino. Aristóteles, Freud y Lacan
o el encuentro con lo real, paru à Buenos Aires en 2007 chez Manantial.
Nous nous associons à cette publication du fait que la traduction
de textes constitue un axe de travail dans lequel l’Association est engagée
depuis ses débuts, dans les deux rives de l’Atlantique. En Argentine,
rappelons la traduction de nombreux ouvrages de la psychiatrie française
dans la collection Clásicos de la psiquiatría de l’éditorial
Polemos. Aussi remarquable, en 2004, celle de la Classification française
des troubles mentaux de l’enfant et de l’adolescent. Egalement, la revue
Textos de la psiquiatría francesa que Juan Carlos Stagnaro a animé
depuis 1999, et Vértex la principale revue argentine de psychiatrie,
ont publié des traductions de nombreux articles de langue française.
En France, nous avons présenté la traduction d’un texte de
Enrique Pichon-Rivière dans l’ouvrage Enrique Pichon-Rivière,
une figure marquante de la psychanalyse argentine, paru chez L’Harmattan
en 2004. Enfin, tout récemment l’Association a participé
activement à la traduction des deux tomes des Etudes psychiatriques
d’Henri Ey, dont le premier volume a été présenté
en avril dernier au congrès de l’Asociación de psiquiatras
argentinos à Mar del Plata.
Dans
un recueil de textes paru récemment (Petit Panthéon Portatif),
Alain Badiou, préfacier du livre de Danielle Eleb, dont nous regretons
qu’il n’ait pas pu être avec nous ce soir, évoque une confidence
de son propre traducteur allemand à propos de la traduction française
de la Phénoménologie de l’esprit de Hegel établie
par Jean Hyppolite. Selon celui-ci, Hyppolite transforme un ouvrage de
jeunesse en un véritable monument dont il pense que la philosophie
allemande devrait impérativement venir s’instruire. De cette anecdote,
qui ne manque pas de piquant dans la bouche d’un traducteur, nous faissons
ressortir l’idée que la rencontre d’un ouvrage avec une autre langue
peut lui réserver un destin tout à fait nouveau, ce qui convient
à l’esprit de notre rencontre de ce soir.
DANIELLE
ELEB
J'ai
le plaisir de présenter mon livre : "Figuras del destino, Aristoteles,
Freud y Lacan o el encuentro de lo real" dans le cadre de la Maison de
l'Amérique Latine. J'ai eu la surprise d'apprendre la traduction
en espagnol par les éditions Manantial au début de l'année
2007. La lecture de mon travail dans une autre langue relève d'une
interprétation, je suis curieuse de savoir comment les psychanalystes
et philosophes argentins ont lu mon livre.
Les
changements, les événements de notre vie sont comparables
à une révolution insaisissable mais radicale.Cet ouvrage
est né d'une rencontre; perte, deuil et amour.Si l'expérience
de la cure analytique, comme le souligne J. Lacan, ne change rien au réel,
elle change tout pour le sujet. Cette vérité du changement,
nous la devons à Freud, qui a tracé une voie pure par sa
découverte de l'inconscient. En effet, elle modifie le sens et l'usage
de la catégorie du destin. La relation de l'homme à la parole,
au signifiant, change le cours de son histoire. Cette parole, dans la cure,
qui s'adresse à l'Autre produit un sens nouveau, l'émergence
de nouveaux signifiants dans le récit même de ce qui a fait
événement. La fonction de la remémoration, la construction
en analyse peut avoir un effet de surprise ; cette dimension essentielle
de l'inconscient est liée au désir. C'est le "Je" qui vient
au jour dans la cure, là ou était le désir inconscient.
Mon travail introduit la dimension du réel dans son rapport à
l'être, au sens ou la praxis désigne une action concertée
par l'homme, afin de traiter le réel par le symbolique. La problématique
lacanienne du hasard et du réel renouvelle la catégorie du
destin, une rencontre va se faire avec l'amour ou avec le transfert qui
n'est pas une pure répétition du passé dans le présent
; c'est un amour traversé par une perte, un deuil, en ce sens le
destin du sujet peut se rejouer dans la cure. La Gradiva, Oedipe et Hamlet,
le deuil et la mélancolie, le cas clinique d'Hélene Deutsch,
"la névrose hystérique de destinée" incarnent ces
destins siguliers, entre la causalité signifiante du sujet et la
rencontre du réel.
La
question du sujet ne peut s'appréhender dans une problématique
phénoménologique du vécu, mais bien sur le plan de
l'assomption symbolique de son destin: ..."à savoir, qu'est ce que
son histoire signifie ?" Ainsi, les concepts sujet et destin sont liés
à la causalité, au sens de la causalité psychique
chez Freud et Lacan. La catégorie du destin n'est pas homogène
dans les séminaires de Lacan. Dans "l'Ethique de la psychanalyse",
Lacan se référe au tragique grec, Sophocle, il introduit
la visée du désir d'Antigone à partir de la pulsion
de mort chez Freud. Dans "les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse",
ce n'est pas Sophocle, mais la "Tuché" dans la physique d' Aristote
qui renouvelle la catégorie du destin, et implique une nouvelle
conception de l'inconscient comme non réalisé.
Si
la découverte freudienne nous a appris à voir dans les symptômes
une figure, au sens de la figure du destin, J. Lacan élabore un
destin des temps modernes à partir des mathématiques modernes
(le réseau des signifiants) et de la Tuché d'Aristote. A
une causalité signifiante du sujet qui est de l'ordre de l'automaton,
il articule la Tuché au sens de la bonne ou mauvaise rencontre,
rencontre du réel ; ainsi la causalité est un élément
logique du destin.
Si
le fil de notre travail est la tuché d'Aristote dans la causalité
lacanienne, notre hypothèse est la suivante : il existe quatre modalités
du destin lacanien qui modifie et renouvelle le sens et l'usage de cette
catégorie.
-
La Cause, comme causalité psychique, relayée par l'interprétation
lacanienne d'Automaton et tuché. C'est une dialectique entre la
détermination symbolique du sujet(au sens de la causalité
signifiante), et une surdétermination du réel.La cause accidentelle
devient cause du sujet et choix inconscient.L'accidentel devient une cause
de l'être, au sens d'une surdétermination du sujet.
-
Le Choix du sujet, un sujet inconscient, qui n'en est pas moins désirant.La
rencontre de Norbert Hanold et de Gradiva n'est pas une pure répétition
du passé dans l'actuel, n'est pas réductible à l'automaton.
Ce
qui se produit "comme au hasard" vient à la rencontre du fantasme.Il
s'agit donc bien de la part prise par le désir du sujet dans la
rencontre. La tuché n'est pas réduite à l'automaton,
mais déterminée par un désir qui ne se sait pas.
-
L'Amour en tant que fille du hasard n'est pas la pure répétition
d'un amour passé. C'est un amour traversé par une perte,
un deuil. La tuché peut contredire le déterminisme et introduire
la dimension de l'aléatoire dans la causalité du sujet.
-
L'Inconscient : l'inconscient lacanien n'est pas un pur automaton, mais
fait appel à la tuché, au sens de la rencontre du réel.
Cela implique une nouvelle conception de l'inconscient comme non réalisé,
comme trou, comme vide ; qui aspire à une certaine réalisation
: "car cet indéterminé de pur être qui n'a point d'accès
à la détermination, cette position primaire de l'inconscient
qui s'articule comme constitué par l'indétermination du sujet,
c'est à cela que le transfert nous donne accès d'une façon
énigmatique" (1)
Si
Freud établie une analogie entre l'archéologie et l'inconscient,
le destin du sujet est lié à cet inconscient archéologue.
L'inconscient freudien est à l'intérieur du sujet, il aspire
à devenir conscient. L'inconscient lacanien est à l'extérieur
du sujet, dans le rapport du sujet à l'Autre : "L'inconscient, c'est
le discours de l'Autre" (2). Ce discours de l'Autre qu'il s'agit de réaliser
est au dehors. Ainsi, ce que Freud définit comme le devenir conscient
à l'intérieur du sujet, Lacan l'appréhende comme non
réalisé, l'inconscient entre être et non être
est à l'extérieur, discontinu.
La
matière de cet inconscient, c'est du langage, de la parole.Il n'est
pas permanent dans le temps et n'a pas d'attributs fixes. Il s'agit d'un
automaton déréglé qui révèle une loi,
celle de la chaine inconsciente. Une rencontre va se faire avec l'amour
ou avec le transfert qui n'est pas une pure répétition du
passé dans le présent. C'est l'amour de transfert qui réalise
l'inconscient non réalisé.Cet inconscient n'est pas un plein,
mais un vide, il n'est pas seulement une mémoire. La réalité
de l'inconscient n'est pas un être, un non être, mais un peut
être, au sens d'advenir, de ce qui devrait être et non de ce
qui est.
Lacan
suspend la certitude d'une substance, d'un étant au profit d'une
éthique au sens d'advenir. L'inconscient dans sa relation au transfert
est un vide opposé à sa face de répétition.
Cet inconscient n'est pas épuisé dans la définition
de "l'inconscient est structuré comme un langage". La présence
même de l'analyste dans la définition de l'inconscient fait
valoir des propriétés au delà du repérage du
signifiant.
Ces
quatre modalités du destin sont à l'œuvre dans chacune des
parties suivantes : "Aristote, Freud et Lacan ou la rencontre du réel"
et "Figures du destin". La première partie nous introduit à
la problématique du hasard et du réel à partir d'Automaton
et Tuché dans la Physique d'Aristote. L'analyse se définit
d'une praxis qui s'inscrit au cœur de l'expérience, qui est le noyau
du réel. Ce réel, ou le rencontrons nous?Il s'agit d'une
rencontre essentielle avec un réel qui se dérobe. Un réel
au delà de l'Automaton, du retour, de l'insistance des signes, tel
qu'il est commandé par le principe du plaisir.
Ce
réel qui git derrière l'Automaton, tel est le sens de la
recherche de Freud dans l'Au delà du principe de plaisir en 1920.Qu'est
ce qui conduit Freud à poser l'existence d'une pulsion de mort?
Il prend en considération dans des registres divers les phénomènes
de répétition qui ne se laissent pas réduire à
la recherche d'une satisfaction libidinale, ou à une tentative de
maitriser les expériences déplaisantes.
A
l'origine de l'expérience analytique, le réel s'est présenté
sous la forme du non symbolisé, du hors signifiant, à savoir
le trauma.Le trauma, Freud lui attribue une origine accidentelle et l'inscrit
dans le conflit entre le principe de plaisir et le principe de réalité.
Quelle
est la fonction de la Tuché pour Lacan? C'est la rencontre en tant
qu'elle peut être manquée, qu'essentiellement elle est la
rencontre manquée.(1) Il va ainsi articuler rencontre du réel
et trauma , dans une dialectique du sujet qui a pour centre une mauvaise
rencontre. C'est ce manque de signification dans la rencontre avec le réel
qui est traumatique.
La
Tuché, telle que Lacan l'élabore, suppose un choix, qu'il
situe au champ de l'inconscient et non de la pensée comme le développe
Aristote, en ce sens,la rencontre de N. Hanold et de Gradiva (2) n'est
pas une pure répétition du passé dans l'actuel, n'est
pas réductible à l'Automaton. Ce qui se produit comme au
hasard vient à la rencontre du fantasme.Le fantasme masque un réel
premier, déterminant : ce réel, Lacan le fait "hasard".
Selon
Freud, le délire de N. Hanold évolue vers la guérison
grâce à une heureuse conjoncture, à la puissance curative
de l'amour. Cette heureuse conjoncture, nous pouvons lui donner le nom
de bonne fortune au sens de la Tuché d'Aristote et de bonne rencontre
au sens de Lacan. Cette bonne rencontre qui n'est pas ici rencontre manquée,
réalise ce que l'amour ou le transfert seuls, sont susceptibles
de réaliser : l'amour comme fille du hasard.
Dans
la deuxième partie, ce sont les figures du destin, telles celles
de Gradiva, d'Oedipe et d'Hamlet et du cas clinique d'Hélène
Deutsch "la névrose hystérique de destinée" qui incarnent
ces destins singuliers, entre la causalité signifiante du sujet
et la rencontre du réel.Cette série de figures illustrent
la singularité de cette rencontre du réel, à partir
d'une lecture du destin, en faisant varier les modalités de la cause,
du choix, de l'amour traversé par une perte, et de l'inconscient
entre être et non être.
Freud,
dans son texte "Deuil et mélancolie" (Métapsychologie) (1)
développe que le ressort majeur de la fonction du deuil est l'identification
à l'objet aimé et perdu. C'est Hamlet après la mort
d'Ophélie, "c'est au moment de la révélation de ce
qu'a été pour lui cet objet négligé, méconnu,
que nous voyons là jouer dans Shakespeare à nu, cette identification
à l'objet" (2). Si l'objet est fondamentalement perdu, accéder
à cette perte suppose la constitution de l'objet dans le désir.Lacan
introduit la formation de l'objet du désir dans le fantasme sur
la base d'un sacrifice, d'une privation.
Quelle
est dans cette perspective, la fonction du deuil? Il n'y aurait pas de
relation d'objet sans deuil, dans la mesure ou c'est une part de soi qui
accompagne toute perte. S'il n'y a pas de retrouvailles de l'objet perdu,
le travail du deuil opère un véritable bouleversement dans
la relation d'objet; il a une fonction créatrice. Ainsi, le deuil
de l'objet est il une condition de l'amour, d'un amour traversé
par une perte, une séparation.
S'il
existe des figures féminines du destin dans l'œuvre de Lacan, Antigone,
Ophélie, Sygne de Coufontaine dans la trilogie de Paul Claudel ;
la catégorie du destin dans les séminaires de Lacan n'est
pas homogène.
Dans
"L'Ethique de la psychanalyse", Lacan se référe au tragique
grec, Sophocle. Il introduit la visée du désir d'Antigone
à partir de la pulsion de mort chez Freud. Là ou l'héroine
antique est identique à son destin, Até, à la loi
divine, l'héroine de la tragédie contemporaine, Sygne de
Coufontaine va à l'encontre de tout ce qui tient à son être.Elle
a rencontré l'objet de son désir, mais il lui est dérobé.Elle
doit renoncer à ce qui est son être même, et trahit
son éthique : "ici, nous sommes au delà de tout sens " (3).
Selon les termes d'Aristote, non pas "par la terreur et par la pitié,
mais à travers toute terreur et toute pitié franchies" (4).
Qu'est-ce
que l'analysé vient chercher en analyse ? : "Il vient chercher ce
qu'il y a à trouver...et la seule chose qu'il y a pour lui à
trouver, à proprement parler c'est le trope par excellence, le trope
des tropes, ce qu'on appelle son destin" (5).
La
découverte Freudienne nous a appris à voir dans les symptômes
, une figure au sens de la figure du destin.Le fait de savoir permet de
s'orienter dans un travail de cure.Un cas clinique d'Hélène
Deutsch, datant de 1930 sur "La Névrose Hystérique de destinée"nous
permettra de poser la question suivante : qu'est -ce que la névrose
hystérique de destinée ? Et de suivre le chemin qui va de
la cause à la fin de la cure analytique.
Quel
est le statut du destin dans Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse?
Ce destin des temps modernes, Lacan l'élabore à partir des
mathématiques modernes(le réseau des signifiants), et de
la Tuché d'Aristote : "il s'agira donc de réviser le rapport
qu'Aristote établit entre l'automaton , et nous savons, au point
ou nous en sommes de la mathématique moderne que c'est le réseau
des signifiants et ce qu'il désigne comme la Tuché-qui est
pour nous la rencontre du réel" (6).
1)
S. Freud : Métapsychologie, Idées NRF.
2)
J. Lacan : séminaire "L'Angoisse", 1962.
3)
J. Lacan : Le Transfert, p 325.
4)
Aristote, cité par Lacan, p 326.
5)
Le Transfert, p 372.
6)
J. Lacan : Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse p 51.
Si
le sujet est pris dans le réseau des signifiants, Lacan fait référence
à Aristote pour l'élaboration d'une causalité psychique
qui intègre "la tuché" comme cause. Aristote comme Lacan
ont introduit dans la causalité, l'accidentel; la tuché,
bonne ou mauvaise fortune est une cause.Lacan fait de l'absence, de ce
qui n'a pas été, de la fortune, une cause ; une détermination
du sujet. Il nous donne une définition de la névrose de destinée
à partir de la tuché : "...dans Père, ne vois tu pas,
je brule, il y a le même rapport à quoi nous avons affaire
dans une répétition. C'est ce qui pour nous se figure dans
l'appellation de névrose de destinée, ou de névrose
d'échec. Ce qui est manqué n'est pas l'adaptation, mais tuché,
la rencontre." (1) D'Aristote à Freud, puis de Freud à Lacan,
la rencontre est un élément à la fois déterminant
et aléatoire de la causalité du sujet.
Quelle
est la fonction de la tuché pour Lacan? : "C'est la rencontre en
tant qu'elle peut être manquée, qu'essentiellement elle est
la rencontre manquée". (2) Il va ainsi articuler rencontre du réel
et trauma. En effet, cette rencontre manquée se présente
dans l'histoire de la psychanalyse sous la forme du trauma. Ce trauma,
Freud lui attribue une origine accidentelle et l'inscrit dans le conflit,
l'opposition entre le principe de plaisir et le principe de réalité.
Ainsi, il n'y a pas de destin type chez Freud, mais une série de
cas ou le destin se joue certes, entre le constitutionnel et l'accidentel,
mais toujours dans des figures métaphoriques, telle "La Gradiva"
ou le destin apparait comme métaphore de l'inconscient.
Norbert
Hanold, le héros du roman de Jensen s'interroge sur l'apparition
corporelle de Gradiva, qui est à la fois morte et vivante . Dans
cette rencontre de hasard la voix de Gradiva est un objet déjà
connu, perdu, retrouvé. Pour Freud , c'est du passé dans
le présent. Norbert Hanold, disant à Gradiva "Je savais que
tel était le son de ta voix", avoue qu'il n'a jamais entendu sa
voix, mais qu'il s'attendait à l'entendre. Dans la rencontre de
hasard, le sujet vient à la rencontre de son désir sans qu'il
l'ait voulu.
Du
point de vue d'Aristote, la tuché suppose un choix de la pensée,
c'est ce qui distingue la fortune du pur hasard, qui est en vain, du non
réalisé au sens d'une répétition sans finalité.
Pour FREUD, cette répétition est nécessaire, on ne
peut détruire l'objet "in abstentia" il faut qu'il soit symbolisé.
Il s'agit en apparence d'une rencontre de hasard, mais le héros
s'aperçoit peu à peu que c'est la petite fille dont il était
amoureux ; sa "voix" est du passé dans le présent.Ainsi la
tuché, dans l'interprétation de FREUD, est réduite
à de l'automaton.(1) La tuché, comme rencontre du réel,
telle que Lacan l'élabore, suppose un choix du sujet qu'il situe
au champ de l'inconscient et non de la pensée. En ce sens, la rencontre
de N.Hanold et de Gradiva n'est pas une pure répétition du
passé dans l'actuel,elle n'est pas réductible à l'Automaton,
ou au déterminisme freudien.
Ce
qui se produit comme au hasard vient à la rencontre du fantasme.
Il s'agit donc bien de la part prise par le désir du sujet dans
la rencontre. La tuché n'est pas réduite à l'Automaton,
mais déterminée aussi par un désir qui ne se sait
pas. Le fantasme masque un réel premier, déterminant : "Le
fantasme n'est jamais que l'écran qui dissimule quelque chose de
tout à fait premier, de déterminant dans la fonction de la
répétition" (2). Derrière le fantasme Lacan introduit
le réel, un réel premier, au sens ou ce qui se répète
est ce qui n'était pas, une absence. Ce réel, Lacan le fait
hasard.
Selon
FREUD, le délire de N.Hanold évolue vers la guérison
grâce à une" heureuse conjoncture ", à la puissance
curative de l'amour.Cette "heureuse conjoncture", nous pouvons lui donner
le nom de "bonne fortune " au sens de la tuché d'Aristote et de"
bonne rencontre "au sens de Lacan.Soulignons que cette bonne rencontre
qui n'est pas ici rencontre manquée, réalise ce que l'amour
ou le transfert seuls, sont susceptibles de réaliser.L'amour comme
"fille du hasard", ce qui n'est pas le point de vue de FREUD. Le transfert
lacanien n'est pas du pareil au même qu'un amour ancien. En ce sens,
le destin du sujet peut se rejouer dans la cure, la rencontre avec le psychanalyste
est une rencontre qui n"a pas son répondant dans l'inconscient.
(1)Automaton:
le hasard pour Aristote et la répétition pour Lacan
(2)J.LACAN:"Les
quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse"
Citons
Lacan à propos de son analyse de la cause et de la tuché:"...cela
indique que la cause de l'inconscient, et vous voyez bien qu'ici le mot
cause est à prendre dans son ambigüité, cause à
soutenir, mais aussi fonction de la cause au niveau de l'inconscient, cette
cause doit être foncièrement conçue comme une cause
perdue et, c'est la seule chance qu'on ait de la gagner. C'est pourquoi
j'ai mis en relief dans le concept méconnu de la répétition
ce ressort qui est celui de la rencontre toujours évitée,
de la chance manquée" (1).
Il
élabore une dialectique entre la détermination symbolique
du sujet(au sens de la causalité signifiante) et une surdétermination
du réel ; la cause accidentelle devient cause du sujet et choix
inconscient. L'accidentel devient une cause de l'être, au sens d'une
surdétermination du sujet.
Ainsi,
dans l'écrit "Position de l'inconscient", Lacan reprend la théorie
des quatre causes chez Aristote: ce serait le signifiant qui serait la
cause première,celle qui rassemblerait l'apparente discordance des
quatre causes d'Aristote. Dans" la science et la vérité",
Lacan situe le signifiant comme la cause matérielle et l'objet (a)
comme cause formelle au sens de la vérité comme cause. Citons
ce passage:"L'incidence de la vérité comme cause dans la
science est à reconnaitre sous l'aspect de la cause formelle.Mais
ce sera pour en éclairer que la psychanalyse par contre en accentue
l'aspect de cause matérielle. Telle est à qualifier son originalité
dans la science. Cette cause matérielle est proprement la forme
d'incidence du signifiant que j'y définis" (2). Si la cause perpétue
"la raison qui subordonne le sujet à l'effet du signifiant" Lacan
distingue la rétroaction du signifiant et la cause finale.
Ainsi,
le signifiant serait la seule et vraie cause première ou l'on verrait
se rassembler l'apparente discordance des quatre causes d'Aristote, et
" les analystes pourraient de leur terrain, à cette reprise contribuer.
Il en auraient la prime de pouvoir se servir du terme freudien de surdétermination
autrement que pour un usage de pirouette"(3)
(1)
J. Lacan: "Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse" p: 117.
(2)J.
Lacan: Ecrits"La science et la vérité" 1965 -66,p. 875.
(3)J.
Lacan: Ecrits"Position de l'inconscient" 1960 p. 839.
__________________________________________
DOMINIQUE
WINTREBERT
Comme
le titre l’indique, le livre de Danièle Eleb prend pour thème
ce joli mot de destin, véritable signifiant-maître de son
travail, et en bonne philosophe éclairée par la psychanalyse,
tout son livre s’interroge sur la part de liberté dont dispose le
sujet pour mener sa vie. Notre destin est-il déjà écrit
comme le concept de savoir inconscient pourrait le faire valoir et comme
le travail de Freud sur la Gradiva de Jensen semble l’illustrer ? Sommes-nous
tributaires des traumatismes rencontrés, confer ici le meurtre de
son père pour Hamlet ? Avons-nous une part de manœuvre ? Voire,
une psychanalyse nous fait-elle devenir autre chose que ce que nous sommes
vraiment ? Nous allons détailler ces différents aspects.
Les trois autres concepts isolés par Alain Badiou dans sa préface
nous semble seconds : cause, rencontre, identification ne sont là
que pour tenter de penser ce qui éclaire ce destin.
Mais,
Danièle, dans votre titre apparaît aussi le terme de «
figures » sous l’intitulé Figures du destin. Et déjà,
ici, une première question peut vous être formulée
puisque ce terme de figure est opaque. Il semble à la jonction de
l’imaginaire et du symbolique et pourrait évoquer un premier Lacan,
celui qui entend se déprendre de la gestalt, de la psychologie de
la forme, d’abord avec le concept d’imago, qui, comme vous le notez comporte
le signifiant dans l’image, suivi du Lacan qui entend débarrasser
le symbolique de tout imaginaire et tente d’écrire ce symbolique
en langage mathématique. De là, peut-être, la nécessité
pour vous de rajouter la catégorie du réel dans la suite
qui précise votre titre : Aristote, Freud et Lacan ou la rencontre
du réel. Donc, pouvez-vous préciser ce que vous entendez
par « Figures » ?
Le
livre comme objet
Je
n’ai pas eu accès à l’édition espagnole. Je vais donc
à l’occasion de sa traduction en Argentine dans cette belle langue
castillane vous faire part de ma lecture de l’édition française.
Edité chez Erès, dans la collection Point hors ligne, le
livre fait 160 pages, clairement divisées en deux parties, la deuxième
partie du titre devenant le premier sous-ensemble - Aristote, Freud et
Lacan ou la rencontre du réel faisant une soixantaine de pages -,
la deuxième, - Figures du destin –, plus copieuse, étant
consacrée à donner des exemples à ce qui a été
développé antérieurement. En couverture, une reproduction
d’un bas-relief superbe de Pompéi représentant la fameuse
Gradiva, conservé aujourd’hui au musée Chiaramonti au Vatican.
Dans sa notice muséographique, Alain Pasquier en parle ainsi (je
n’en livre qu’une partie) :
«
Se détachant sur un espace indéfini, la silhouette donne
l’impression de l’équilibre le plus sûr. La main droite, sous
le manteau, se situe au niveau de la hanche, à la même hauteur
que la gauche, découverte, qui relève doucement l’étoffe
pour empêcher qu’elle n’entrave l’avancée du pied. Saisi dans
un profil au contour net, où l’aisance s’allie à l’élégance,
le corps est supporté par la jambe gauche, tandis que le pied droit
laissé à l’arrière ne fait qu’effleurer le sol par
l’avant de la semelle : la jeune femme est chaussée de sandales
dont les lanières devaient être notées par la couleur.
»
Une
préface, assez courte, présente le livre. Alain Badiou, dont
nous regrettons l’absence, en est l’auteur. Sa préface où
sont soulignées les qualités du livre - logique, expérimenté,
plaisir de lecture - est élogieuse.
La
référence aristotélicienne
Le
ressort principal du livre est la référence développée
dans le Séminaire XI, les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse
de Lacan sur un passage de la Physique d’Aristote où ce dernier
distingue deux modalités de la causalité : la tuché
et l’automaton. Impossible d’ailleurs de ne pas les mettre en série
avec la reprise faite par le même Lacan dans « La science et
la vérité » de la distinction opérée
par le même Aristote entre cause efficiente, cause formelle, cause
matérielle et cause finale, rapportant chacune d’entre elles respectivement
à la magie, la science, la psychanalyse et la religion. Ceux qui
ne connaissent pas cet aspect de l’élaboration aristotélicienne
seront éclairés par l’image classique de la statue où
l’on peut distinguer comme cause efficiente le ciseau du sculpteur, identifié
à la magie par Lacan, comme cause formelle la forme de la statue,
une statue équestre par exemple, et cela est rapporté par
Lacan à la science, comme cause finale la destination de cette statue,
l’exemple d’un hommage à San Martin ici ne choquera personne, et
nous sommes ici du côté de la religion, enfin comme cause
matérielle référée à la psychanalyse,
le marbre même à partir duquel se sont exercées les
autres causes. C’est la matérialité même du signifiant
qui est ici mise en avant.
Pour
Danièle Eleb, la tuché d’Aristote renouvelle la conception
du destin chez Lacan. Elle oppose la causalité signifiante de l’automaton
et la rencontre du réel implicite à la tuché. Mais
il faut ici rappeler que Lacan construit à cette même époque
les deux opérations à même de rendre compte de la prise
de l’animal humain dans le langage : l’aliénation et la séparation,
toutes deux étant indissociables et nécessitant de les penser
ensemble. Une deuxième question vient alors. En considérant
que l’aliénation est référée, comme l’automaton,
au signifiant, et que la séparation, construite dans Le Séminaire
L’angoisse comme une quasi mutilation, soit pour le dire vite, comme une
mauvaise rencontre, peut être pensée à partir de la
tuché , comment s’articule les couples automaton et aliénation
et tuché et séparation ?
Freud,
en se fondant sur la clinique, parle de réalité subjective,
façon de dire que nous avançons dans une réalité
choisie subjectivement dans laquelle nous nous heurtons toujours aux mêmes
obstacles, sommes aveugles à certaines autres choses, croyons faire
des choix en toute liberté alors qu’ils sont surdéterminés
à notre insu, etc. Une part de la fortune au sens de la tuché
s’explique ainsi : nous trouvons ce que nous étions prêts
à rencontrer. L’exemple le plus sensible est celui du choix amoureux
que Freud fait reposer sur une liebesbedingung, une condition d’amour inconsciente.
C’est ce que vous appelez, suivant Lacan, l’inconscient comme non
réalisé. Mais il y a une autre face de la tuché :
celle qui fait de la rencontre un traumatisme. Michel Silvestre allait
jusqu’à dire qu’une rencontre qui n’est pas ratée est un
traumatisme. Là, la clinique de l’angoisse est un guide sûr.
Elle force le sujet à l’invention, à l’acte. Là encore,
ne pourrait-on subdiviser cette question du traumatisme puisque la clinique
nous enseigne que pas tous les traumatismes sont facteurs d’une pathologie
traumatique, voire que certains sont facteurs de réveil salutaire
pour le sujet ?
Mais
si l’on considère l’automaton, on peut bien également lui
concevoir deux faces, comme à la tuché. Il y a l’insistance
des signifiants, celle qui fait dire au premier Lacan qu’il n’y a de résistance
que de l’analyste que si l’analyste tient sa partie, la parole pleine va
pouvoir se déployer, et il y a la répétition du symptôme
qui, tel un index, vient désigner, au-delà de son message,
le réel auquel le sujet est contraint. Mais justement, ce thème
de la répétition est celui qui conduit Freud à formuler
sa pulsion de mort et à construire sa seconde topique. Les trois
exemples cliniques qui l’y conduisent sont pour mémoire la névrose
traumatique, la réaction thérapeutique négative et
le jeu chez l’enfant, soit trois formes de répétition qui
échappent à la dialectique principe de plaisir/principe de
réalité. C’est une façon de dire que l’automaton n’est
pas qu’aliénation signifiante, il est aussi index du réel.
Vous reprenez d’ailleurs le plus célèbre des jeux de l’enfant,
le fameux fort/da pour en noter le déplacement interprétatif
qui s’opère de Freud à Lacan, le premier – Freud - faisant
du jeu une manière pour l’enfant de se rendre maître du traumatisme
du départ de la mère, créant, pourrait-on dire, à
partir d’une tuché un automaton, le second, Lacan, faisant du jeu
une mutilation où l’enfant se sépare de cette part de lui-même
partie avec la mère. Etes-vous d’accord avec cette proposition :
l’écart que produit Lacan par rapport à Freud est de penser
ensemble tuché et automaton ? La séparation incarnée
par cette bobine qui disparaît dans le berceau est conjointe à
la paire signifiante qui marque l’accès au langage de l’enfant :
fort/da. Elle lui est comme consubstantielle. Alors, j’aimerais avoir votre
avis là-dessus et vous poser au passage cette question :
Si
l’aliénation est rapportée à la cause matérielle,
celle propre à la psychanalyse et si la séparation est rapportée
à la cause formelle, celle qui est le ressort de la science, où
ranger cause efficiente et cause finale, d’autant que l’idée même
de cause finale n’est pas sans faire singulièrement résonner
celle de destin ?
________________________________
SUSANA
ELKIN
Tout
d’abord je voulais remercier Danielle Eleb d’être venue nous présenter
son livre, et je voulais reprendre l’interrogation de tout à
l’heure: pourquoi son livre a pu intéresser les argentins. Au delà
de la pertinence du livre lui même, qu’on a tous pu constater ce
soir, il y aurait t il un intérêt particulier qui touche les
argentins? D’abord on sait que les argentins sont gourmands de toutes les
publications françaises qui concernent les sciences humaines
et en particulier la psychanalyse, surtout quand elles sont de qualité
. Mais , est ce que le titre lui même du livre, renvoit-il
a quelque chose de profondément argentin? Figures du destin. L’Argentine
est un pays construit, depuis la fin du XIX siècle par des immigrants:
des ouvriers de l’Europe du sud qui échappaient à la faim,
des travailleurs qui fuyaient la misère, des intellectuels qui échappaient
au massacre, des disciples de Freud, tous voulaient « tordre le cou
» à leur destin d’origine. L’Argentine a accueilli toutes
ces personnes qui se sont posés à un moment de leur vie la
question de changer leur destin, de modifier la direction qui leur imposait
l’histoire dans laquelle ils étaient nés.
Est-ce
que la psychanalyse est une figure du destin de l’histoire argentine? De
ce métissage intellectuel, est ressorti , peut être, une nécessité,
au sens d’une tuché. Une rencontre. La psychanalyse en Argentine
est peut être une rencontre, produit de ce metissage intellectuel,
une figure des temps modernes.
REPONSES
AUX QUESTIONS SOULEVEES PAR D.WINTREBERT
Question:
notre destin est il déjà écrit?
D.
ELEB : dans l'interprétation freudienne
de La Gradiva de Jensen, la rencontre de N. Hanold et de Gradiva est une
pure répétition du passé dans l'actuel. La voix de
Gradiva est un "objet" (a) déjà connu, perdu, retrouvé.
Pour Freud, trouver l'amour c'est en quelque sorte le retrouver, c'est
une retrouvaille de l'objet perdu. Ce destin, écrit au sens de l'inconscient,
du refoulé, fait retour à l'occasion de cette rencontre avec
Gradiva. La levée du refoulement est une fin de la cure analytique
dans l'œuvre de Freud. Le couple parental représente aussi bien
le destin freudien. Ces Imagos sont, en quelque sorte les figures freudiennes
les plus importantes de notre histoire. L'opération de séparation
que met en acte la cure analytique, autorise le sujet à un autre
destin que celui qui fut désiré par ses parents.
L'analyse
lacanienne de l'inconscient, entre être et non être, n'est
pas une pure répétition, mais bien une fonction du vide.
En
effet, Lacan distingue répétition et transfert, cet inconscient
non réalisé, se réalise dans la cure par la parole,
puis par les actes. Ainsi, tout n'est pas écrit, nous continuons
à écrire dans la cure à partir de nouveaux signifiants
qui émergent et produisent un effet de surprise, de trouvaille de
l'inconscient. Pour répondre à votre question, une part de
détermination symbolique et une part d'indétermination, entre
être et non être,laisse une place à la contingence,
au jeu de désir et au devenir du sujet.
Sommes
nous tributaires des traumatismes, dites vous. Ce n'est pas le trauma en
soi, mais la réponse du sujet au trauma, à savoir le fantasme
qui le recouvre qui est en jeu, aussi bien chez freud que chez Lacan. Que
faisons nous de nos traumas? Pour freud, notre réponse au trauma
est une forme de défense qui doit être corrigée par
la cure analytique. Pour Lacan, la rencontre entre les sexes est traumatique
dans la mesure ou il n'y a pas de rapport sexuel (mais des relations);
L'amour supplée à ce non rapport entre les sexes.La rencontre
manquée est manquée à un niveau logique mais pas tout
à fait manquée au niveau de la réalité. Lacan
va articuler, comme je le développe dans mon livre, rencontre du
réel et trauma, dans une dialectique du sujet qui a pour centre
une mauvaise rencontre.
Quant
au destin d'Hamlet Lacan l'analyse à partir du manque: qu'est ce
qui manque à Hamlet? C'est la castration nécessaire pour
accéder à l'objet de son désir, "Ophélie".
La modernité du destin d'Hamlet tient au savoir; il sait comment
son père a été tué, il en sait trop.C'est le
héros moderne, à la fois hystérique et obsessionnel
dans ses relations à l'objet de son désir.C'est une figure
du destin qui nous parle encore, il présentifie tout le génie
de Shakespeare.
Vous
soutenez que les concepts de "cause", "choix", "amour", "inconscient" sont
second au regard de la catégorie du destin dans mon ouvrage: pourtant,
je soutiens l'hypothèse d'un destin des temps modernes à
partir de ces quatre modalités qui renouvellent le sens et l'usage
de la catégorie du destin. Ce n'est ni le destin antique (le tragique),
ni le destin freudien (répétition et trauma) mais un destin
lacanien ou la cause, aussi accidentelle soit elle est une cause de l'être.
C'est
une dialectique entre la détermination symbolique du sujet et une
surdétermination du réel. Quant au choix du sujet, s'il se
situe au champ de l'inconscient, il n'en est pas moins désirant
; c'est sa part, prise dans la rencontre qui est en jeu. Lacan introduit
un nouvel amour, qui n'est pas une pure répétition d'un amour
passé ; l'amour comme "fille du hasard" n'est pas réductible
à une détermination symbolique (celle de la chaine signifiante),
c'est un amour traversé par une perte, un deuil.Ce deuil devient
une condition d'un nouvel amour. Ces quatre concepts du destin constituent
un nouage.
Qu'entendez
vous par "figures"? Ces "figures" ne sont pas des exemples mais le processus
même de travail des concepts (cause, choix, amour, inconscient) à
partir d'une analyse clinique d'Hamlet, de la Gradiva, de la névrose
hystérique de destinée; puis du deuil et de la mélancolie.
Il n'y a de science que du singulier en psychanalyse, ces figures, mises
à l'épreuve de mon hypothèse d'un destin des temps
modernes s'en trouvent transformées, actualisées (le cas
clinique d'H. Deutsch). Comme le souligne A. Badiou dans la préface,
certaines figures sont abstraites ou conceptuelles : en effet Hegel et
Lacan m'ont donné l'occasion de travailler sur la dialectique du
désir dans son rapport à l'imaginaire et au symbolique.
Lacan
lui même est une grande figure du destin de la psychanalyse en France
et en Amérique Latine. Sa relecture de freud et de la philosophie
(Aristote, Hegel, Kierkegaard) ne cesse de nous intéresser.
Aliénation
-Séparation: comme je le développe dans mon exposé,
l'aliénation et la séparation sont les concepts de "l'opération"
du sujet chez Hegel et Lacan. Automaton et Tuché ont une valeur
logique dans le destin du sujet; ils ne peuvent être identifiés
à l'aliénation et à la séparation. Par ailleurs,
mon travail n'oppose pas la causalité signifiante de l'automaton
et la rencontre du réel implicite à la Tuché.Il s'agit
bien d'une dialectique entre cette causalité signifiante et la rencontre
du réel. Soulignons que la dimension de la contingence chère
à Aristote et Lacan réside dans ce "pas tout" signifiant.Ce
manque "inclus" relève de la logique de l'inconscient, Automaton
et Tuché s'inscrivent dans cette logique.Comme le démontre
le "jeu" du Fort Da chez l'enfant et le stade du miroir chez Lacan,
l'aliénation et la séparation sont des opérations
du sujet qui marquent une temporalité,une division originaire
du sujet qui comporte toujours une perte.