*NOTES BIOGRAPHIQUES

*1er CHAPITRE DES "ETUDES SUR LA TECHNIQUE PSYCHANALYTIQUE"
 

ENRIQUE RACKER
Neu-Sandez 1910- Buenos Aires 1961

Il est né en Pologne dans une famille juive quatre ans avant l'explosion de la première guerre mondiale. Quand la guerre a commencé, sa famille émigre à Vienne. Excellent pianiste, il obtient un poste d'enseignant au conservatoire de Vienne, en même temps qu'il étudie la psychologie et la musicologie à la faculté de philosophie et de lettres.

L'invasion nazie contraint Racker à un nouvel exil. Enrique arrive à Buenos Aires en 1939 et 1947 il  devient membre de la jeune Association Psychanalytique Argentine. Trois ans après, il est élu membre actif. Il peut ainsi réaliser son vieux rêve : se dévouer à la recherche et à l'enseignement de la psychanalyse. A ce propos, il écrit dans son livre Etudes sur la technique psychanalytique : "Etre capable de soulager la souffrance des êtres humains et d'apporter ma contribution à la connaissance pour y parvenir, était ce que je désirais depuis longtemps avec un intensité particulière".

Marie Langer, dans sa préface à l'édition anglaise, écrit : "Ses contributions les plus fondamentales à la technique sont ses études très complètes sur le contre-transfert. Le fait qu'elles aient été englobées dans le programme de formation de nombreux instituts de psychanalyse nord et sud américains confirme leur importance. Ce n'est pas par accident que la plupart des découvertes de Racker appartiennent au champ du contre-transfert. Elles furent possibles grâce à ses profondes qualités d'empathie, d'introspection et à son profond amour de la vérité. Mais ses études sur la technique, en dehors du champ du contre-transfert, sont également fondamentales, et sont basées sur une profonde conviction de la bonté de l'être humain."
 
 

Etudes sur la technique psychanalytique, transfert et contre-transfert.
source: http://perso.magic.fr/nfoucher/index.htm#Top

Préface de Marie Langer dans l'édition anglaise du livre :

Heinrich Racker 1910-1961

La mort prématurée et inattendue de Racker -il avait juste 50 ans- après une brève et dramatique maladie a représenté une perte irréparable pour tout le monde : pour sa femme et pour ses enfants, ses patients, ses disciples et ses collègues et pour nous, ses amis. Mais c'est aussi une grave perte pour notre Association et pour la psychanalyse, la science qu'il a passionnément aimée.

Heinrich racker a eu une vie difficile caractéristique de notre époque. Il est né en Pologne dans une famille juive quatre ans avant l'explosion de la première guerre mondiale. Quand la guerre a commencé, sa famille a émigré à vienne. Les premières années de sa vie furent extrêmement dures, mais peu à peu la situation s'améliora. Après avoir terminé ses études secondaires, Heinrich, déjà intéressé par la psychanalyse aurait aimé faire des études de médecine, mais la crise économique de 1928 coupa court à ses projets. Son père avait de sérieuses difficultés financières à cette époque, et le jeune Heinrich décidé de contribuer au soutien de sa famille. Excellent pianiste, il obtint un poste d'enseignant au conservatoire de Vienne, en même temps il étudia la psychologie et la musicologie à la faculté de philosophie et de lettres.

Dans une brève étude auto-biographique, il rapportait cette époque de sa vie dans les termes suivants : "La nature m'a doté d'un don qui me rempli de joie, celui de ressentir la musique intensément et de goûter les créations philosophiques, scientifiques et littéraires. Et de plus, j'ai rencontré des maîtres d'une haute compétence qui sont devenus mes premiers guides et ensuite mes amis; ils m'ont ouverts de nouveaux mondes et encouragé à développer mes propres talents."

Une fois diplômé, il pensa à atteindre son but; il commença alors sa formation en analyse et entra à la faculté de médecine. Cependant, l'invasion de son pays par les Nazis le contraignit bientôt à un nouvel exil. A son arrivée à Buenos Aires en 1939, sa première préoccupation fut de gagner assez d'argent pour reprendre son analyse. Il y parvint, et en 1947 il devint membre de la jeune Association Argentine. En 1950 il en fut élu membre actif, et moins d'un an plus tard, grâce à ses grandes qualités pour la formation et la recherche, il devint analyste formateur. Il pouvait ainsi réaliser son vieux rêve : se dévouer à la recherche et à l'enseignement de la psychanalyse. A ce propos, il écrivit dans l'étude déjà mentionnée : "Etre capable de soulager la souffrance des êtres humains et d'apporter ma contribution à la connaissance pour y parvenir, était ce que je désirais depuis longtemps avec un intensité particulière."

La modestie de Racker lui faisait qualifier sa contribution de modeste. Professeur infatigable et patient, profondément dévoué à l'enseignement --il y était très actif, et quand la mort le surprit, il était à la tête de l'institut de psychanalyse-- il était particulièrement intéressé par deux sujets auxquels il a consacré de nombreuses publications et deux livres, Psychanalyse de l'Esprit et Etudes sur la Technique Psychnanalytique. Dans le premier, s'appuyant sur sa culture et sur son érudition étendues, il traite de sujets aussi variés que la religion, la musique, la philosophie, le caractère et la destinée, une pièce de théatre et un film. Le leitmotiv de sa recherche dans des domaines aussi différents est le concept de l'unité dans la multiplicité, spécifiquement de la sagesse ancienne. En mettent le lecteur en contact avec son concept, Racker "re-lie" ce dernier avec notre savoir psychanalytique actuel. Son attitude pouvait se définir comme étant celle d'unir à nouveau ce qui avait été lié dans un autre temps --par exemple la religione et la musique-- défendant ainsi Eros qui unit ce qui est séparé.

Ses contributions les plus fondamentales à la technique sont ses études très complètes sur le contre-transfert. le fait qu'elles aient été englobées dans le programme d'étude de nombreux instituts de psychanalyse nord et sud américains confirme leur importance. Ce n'est pas par accident que la plupart des découvertes de Racker appartiennent au champ du contre-transfert. Elles furent possibles grâce à ses profondes qualités d'empathie, d'introspection et à son profond amour de la vérité. Mais ses études sur la technique, en dehors du champ du contre-transfert, sont également fondamentales, et sont basées sur une profonde conviction de la bonté de l'être humain. "Le patient névrosé souffre parce qu'il est bon" avait-il coutume de répèter à ses disciples.

Il avait été invité par l'ecole Menninger comme enseignant extérieur, et préparait son voyage lorsqu'il apprit le diagnostic fatal. Il savait qu'il souffrait d'un cancer très avancé. Il y fit face avec un profond chagrin mais avec une grande force d'âme. pendant le peu de temps qu'il lui restait il s'est consacré à ses proches. Mais la maladie ne l'a pas empêché de continuer à s'intéresser à tous les problèmes de sa profession, de ses patients, et à ses projets. Il a continué à se dévouer spécialement à son dernier projet favori : la création d'une clinique de psychanalyse dans le cadre du travail de l'Association Argentine. Cette clinique fut inaugurée peu de temps après sa mort, et elle porte aujourd'hui le nom d'Heinrich Racker en signe de reconnaissance et de gratitude.

Il nous manque beaucoup à tous et nous ressentons son absence de nos réunions et de nos discours scientifiques, privés que nous sommes maintenant de ses interventions claires, brillantes et intelligentes et qui permettaient toujours de clarifier, d'aider à comprendre et à intégrer, dans une constante recherche de vérité.

Marie Langer
 
 

Etudes sur la technique psychanalytique,

transfert et contre-transfert.

Traduit de l'espagnol par Nadège Foucher et Pierre Lecointe.

Edition Césura. Lyon. 2000

Sommaire:

préface de Léon et Rebeca Grinberg

présentation
Chapitre I - Introduction à la technique psychanalytique
Chapitre II - De la technique classique et des techniques actuelles de la psychanalyse
Chapitre III - Considérations sur la théorie du transfert
Chapitre IV - Analyse du transfert au travers de la relation de l'analysant avec l'interprétation
Chapitre V - La névrose de contre-transfert
Chapitre VI - Les significations et les utilisations du contre-transfert
Chapitre VII - La technique analytique et le masochisme inconscient de l'analyste
Chapitre VIII - La technique analytique et la manie inconsciente de l'analyste
Chapitre IX - Contre-résistance et interprétation
Bibliographie
Index
Le premier chapitre est une introduction à la technique psychanalytique.

Y sont rappelés les principes de base de la technique analytique, la manière dont Freud en est venu à les élaborer, et comment ces principes découlent de l'identité de nature des conflits et des désordres psychologiques. Donc cette étude contient en même temps un exposé de l'évolution de la technique analytique de son passé et de son présent. Aucune connaissance préalable de la psychanalyse n'est nécessaire pour le lecteur car le sens de chacun des concepts fondamentaux est expliqué.

Alors que le premier chapitre est destiné à ceux qui ne connaissent pas ou peu de technique psychanalytique, les autres chapitres supposent une certaine connaissance, au moins celle de l'introduction et souvent au-delà, car ils sont destinés aux étudiants de psychanalyse et aux analystes eux-mêmes.
 
 

I

Introduction à la technique psychanalytique

Le sujet de cette conférence est la technique de la psychanalyse. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de donner une explication exhaustive sur le choix du sujet. Non seulement pour les analystes, mais aussi pour les médecins en général, les éducateurs, et toutes les personnes qui doivent "exercer la psychologie" d'une manière ou d'une autre --comme par exemple les parents doivent le faire avec leurs enfants et les enfants avec leurs parents-- il est important de savoir sur quel principes repose la psychanalyse, et les méthodes qui conduisent aux changements internes et externes qui visent cette technique. Mais même pour les personnes qui ne pratiquent en aucune manière la psychologie de façon active (en supposant que de telles personnes existent), même pour celui qui supporte passivement l' "exercice de la psychologie"; des autres, tel que le patient peut parfois se considérer, le sujet a de l'intérêt. Quiconque subissant une intervention chirurgicale voudra aussi savoir ce qu'on lui fait et comment. Mais en psychanalyse une telle curiosité est encore plus légitime et même indiquée, parce qu'en réalité ce n'est pas une simple expérience passive; l'analyste n'est pas le seul qui "opère"; le patient doit "coopérer". Et à cette fin c'est bien utile pour lui de savoir ce qu'est la méthode et quel est le but de cette "opération".

L'intérêt pour un objet implique le désir de connaître son passé, son présent et son futur. Regardons en premier dans l'histoire de la technique psychanalytique. Vous savez probablement que pendant le dix-neuvième siècle, la maladie mentale, les névroses, et autres phénomènes, qu'aujourd'hui nous considérons comme des désordres psychologiques et psychogénétiques, étaient alors pris pour des désordres organiques, ou plus précisément, des expressions de "la dégénérescence" du système nerveux, dont la seule cause était l'hérédité. l'aspect dépréciateur que le terme "dégénérescence héréditaire" a pour nous était également valable à cette époque. Les névroses ne semblent pas avoir éveillé la sympathie des médecins mais plutôt leur méfiance et leur rejet. L'hystérie, par exemple, était considérée, plus que toute autre chose, comme de la "simulation" du "théâtre". Il est possible qu'une telle attitude relève principalement de l'angoisse que provoque l'impression d'impuissance face à la névrose chez le médecin, étant donné son incompréhension. Vice-versa l'angoisse et le mépris sapaient les dispositions et la capacité latentes à comprendre quelque chose aux phénomènes psychopathologiques. Donc, cette situation constituait un cercle vicieux dans lequel Freud a ouvert la brèche décisive en approchant de ces problèmes dans un autre esprit, libre d'angoisse, de rejet, et de préjugés; désireux de découvrir l'inconnu, et doté de la capacité psychologique et scientifique d'un génie.

Je dois citer à présent quelques faits de la préhistoire de la psychanalyse qui représentent en quelque sorte les étapes importantes du chemin qui mène à la technique analytique. En 1885, Freud qui avait alors 29 ans, se rendit à Paris pour étudier les maladies nerveuses avec Charcot, le premier à considérer sérieusement le phénomène hystérique. Là Freud prit note du fait que les paralysies hystériques pouvaient être produites par la suggestion, dans un état hypnotique. On déduisit à partir de cela que ces paralysies sont le résultat de représentation mentales. Un peu plus tard, de retour à Vienne, Freud apprit que deux autres médecins français, Liébault et Bernheim, obtenaient de bons résultats thérapeutiques avec les hystériques au moyen de la suggestion, principalement avec l'hypnose. Dans son travail avec les "malades nerveux", freud abandonna l'électrothérapie, dont les succès partiels furent reconnus comme étant les succès de la suggestion, et il utilisation de plus en plus la méthode de la suggestion par l'hypnose. cette méthode consistait à donner des ordres au patient en état d'hypnose, ordres qui devaient contrecarrer les symptômes pathologiques. La méthode est efficace dans un certain nombre de cas, mais elle est instable --les symptômes réapparaissent-- et n'est pas applicable à ceux qui ne sont pas hypnotisables.

Par ailleurs, Freud restait insatisfait de cette méthode parce qu'elle ne le renseignait pas sur l'origine de la maladie. C'est pourquoi il a continué sa recherche avec une méthode différente. Avant que Freud n'aille à Paris, un ami, le docteur Joseph Breuer, lui avait parlé de son expérience avec l'une de ses patientes Anna O…, qui souffrait de paralysies hystériques et de sérieux états de confusion. A une occasion Breuer remarque fortuitement que la patiente était libérée de ses désordres mentaux lorsqu'elle pouvait exprimer verbalement les fantasmes et les affects qui la commandaient. Par la suite, Breuer fonda sa méthode avec cette patiente sur cette observation: il la mettait sous hypnose et lui faisait dire ce qui l'affectait. la patiente, qui a l'état de veille ne savait rien des origines de sa maladie, fit sous hypnose des liens entre es symptômes et ses expériences. Les symptômes provenaient principalement des sentiments et des pensées, des symptômes sont apparus. Quand la patiente sous hypnose, sous hypnose, se rappelait ses expériences sous forme hallucinatoire et déchargeait les sentiments refoulés, les symptômes disparaissaient. Cette méthode "d'abréaction" des affects était connue comme la méthode cathartique.

Freud adopta cette méthode et quelques années plus tard, avec Breuer, il publia l'ouvrage Etudes sur l'Hystérie, dans laquelle les deux auteurs font état de leurs observations et de leurs conclusions (1895). La description des diverses difficultés et désavantages de la méthode par l'hypnose y figure aussi; par exemple le fait que l'hypnose profonde ne puisse être atteinte que chez un nombre limité de patients. Ces difficultés furent les principaux motifs qui poussèrent Freud à chercher une technique qui le dispenserait de l'hypnose. Dans sa recherche, il fut aidé par les notes d'expériences que Berheim avait faites avec ses patients et dont Freud avait été le témoins. D'abord le patient ne se rappelait rien s'était passé sous hypnose, mais Berheim insistait avec ténacité pour qu'il se rappelle, et peu à peu, morceau par morceau, le patient se souvenait de ce qui était arrivé. Cela signifiait que même ces expérinces qui semblent être totalement inconscientes pouvaient être récupérées par la conscience, et ce même sans hypnose, puisque ce patient se les rappelait à l'état de veille. Fort de cette expérince Freud commença à renoncer à l'hypnose, et, à la place, il insista auprès de ses patients pour qu'ils se rappellent les expériences oubliées ou "refoulées". En même temps, pas à pas --et ce fut décisif pour le changement ultérieur de sa procédure technique-- Freud commença à comprendre les processus dynamiques, c'est-à-dire, les jeux croisés de forces et de tendances psychiques, qui avaient causé les oublis ou les "refoulements", et auxquelles étaient dues les difficultés de se rappeler ou de rendre conscient l'inconscient.Freud découvrit, en particulier, qu'une force ou une tendance existe qui s'oppose au souvenir, qui tend à le maintenir refoulé, et qui donc s'oppose aux tentatives du medecin pour amener le patient à se souvenir. Freud a nommé cette force la résistance et cette découverte l'a mené au changement technique décisif suivant. Il comprit rapidement que la résistance émane surtout du fait que ce qu'il fallait se rappeler était douloureux pour le malade, lui faisait honte, ou était contraire à ses sentiments moraux. La compréhension des différentes formes sous lesquelles s'exprimait la résistance était également importante pour le changement technique ultérieur. Les malades gardaient le silence sur un certain nombre de souvenirs, indiquant par exemple, que ceux-ci --ou ce qui a leur propos leur était arrivé dans la séance-- n'avait pas d'importance ou de sens.Freud compris que les objections de ses patients n'étaient rien de plus qu'un déguisement de la résistance, et les évènements qui apparaissaient sous un tel déguisement, étaient, précisément, les souvenirs recherchés, ou tout au moins, montraient l'accès à ces souvenirs. la démarche technique suivante consista donc a abandonner la "technique d'insistance" (à laquelle quelques éléments de suggestion étaient liés, comme placer la main sur le front du malade pour aider à la concentration, etc.); et à instaurer de cette manière une règle pour le malade qui devait déterminer sa conduite dans le traitement, celui-ci s'engageant à obéir à la règle. Cette règle fondamentale, qui représentait la base du traitement, consistait en la communication par le malade de toutes ses pensées au médecin, à lui dire tout ce qui lmui venait à l'esprit, sans rien omettre, même douloureux, ou apparemment dépourvu de sens ou sans importance, ou déplacé. Donc le malade devait veiller à éviter toute objection interne, toute autocritique pour communiquer chaque pensée qui se présentait; il devait tout dire sans sélection, se livrant pleinement à la libre association.

Ce que j'ai résumé là en quelques mots était le résultat --l'un des nombreux résultats-- d'une investigation longue et ardue qui mena Freud à la compréhension de la base des causes de névroses. La technique analytique, en particulier de la substitution de la méthode de l'association libre à celle de l'hypnose et de la suggestion, est issue de cette compréhension.La compréhension de base était que les névroses sont dues à un conflit interne, une incompatibilité ou une intolérance entre les différentes parties de la personnalité, et particulièrement entre la partie morale et la partie sociale d'un côté, et la partie instinctive et égoïste de l'autre. Je dis "en particulier" parce que ce conflit n'a pas été et n'est pas considéré comme le seul.De plus, le lutte contre ses propres instincts n'apparaît pas à l'origine comme la cause principale (quoique cela ait déjà été souligné dans les premiers articles de freud); mais plutôt certaines expériences subies passivement, comme par exemple la séduction subie à un âge précoce, des expériences "traumatiques", celles que Freud considéra à une certaine époque comme un facteur décisif de l'étiologie des névroses. La remémoration et "l'abréaction" de ces expériences qui constituaient principalement le "refoulé", était ce qui devait amener la guérison. Ce facteur externe et le "trauma" précoce gardèrent aussi leur importance plus tard, mais Freud découvrit progressivement la vie instinctive autonome de l'enfant, et les conflits avec ses propres instincts infantiles se révèlèrent eux-mêmes être le principal facteur de la genèse des névroses. Nos propres pulsions sexuelles et agressives étaient donc celles qui constituaient la majeure partie du refoulé, et leur "remémoration" ou "prise de conscience" devaient conduire à la guérison.

Donc, la technique était basée sur cette compréhension. Le malade était supposé associer librement, abolissant tout rejet de ses propres occurrences, et de cette manière tout ce qui avait été repoussé dans la conscience et devait réapparaître. en général, ce ne sont pas les paroles proprement refoulées qui apparaîssent, mais les rejetons de ces conflits infantiles, dans leur expression la plus superficielle et la plus acceptable. le malade ne se souvient pas en général d'avoir eu un désir sexuel pour sa mère, mais il se rappelle --et avec des sentiments de culpabilité aussi intenses-- que, par exemple, il a désiré la femme d'un ami plus âgé, etc. La fonction de l'analyste était ainsi de deviner, par l'intermédiaire des associations libres (de ces "rejetons"), les pulsions infantiles refoulées, et de communiquer ce qu'il avait deviné au malade. Les rêves constituaient un accés spécialement opportun aux conflits infantiles, puisque --en raison de l'abaissement de la censure morale et logique pendant le sommeil-- le refoulé s'y manifestait avec une plus grande clarté. Freud espèrait que la communication du refoulé au patient mettrait fin à l'aliénation entre le moi et les pulsions, cause ulptime de névrose. c'est ainsi que l'interprétation des pulsions infantiles devint l'instrument thérapeutique par excellence.

L'espoir de Freud fut exaucé seulement jusqu'à un certain point. Les malades entendaient les interprétations, mais leur contenu continuait fréquemment à être vécu comme étranger au moi. Ils ne pouvaient pas ensuite reconnaître ce que l'annalyste leur avait dit comme quelque chose leur appartenant, et la prise de conscience de ce qui était refoulé et l'intégration de la personnalité ne se produisait pas. Freus avait déjà compris que c'était dû au fait que les résistances persistaient, et empêchaient de rendre conscient l'inconscient. Avant de communiquer au malade ses pulsions refoulées, ses résistances devaient donc être surmontées. Comment faire? Une fois de plus pare la compréhension et en faisant remarquer les manifestations de résistance, leurs méthodes d'action, et leurs causes.

Et de la même façon que l'analyse du refoulé avait conduit à la découverte de tout un monde de pulsions, de fantasmes, et de sentiments qui agissaient depuis la plus tendre enfance sur la psyché humaine, de même l'investigation des résistances conduisait elle aussi à la découverte d'une multitude de faits et de processus, et spécialement d'une série d'actions internes ou de "mécanismes" que la psyché met en place dans son besoin de rejeter ces pulsions, rejet qui s'exprime dans le traitement, précisément sous forme de "résistances" à l'analyse; par exemple, sous l'apparence d'une résistance à communiquer les occurrences ou à accepter l'interprétation du "refoulé". Je ne peux entrer, ici, dans une description détaillée de cette autre partie du monde interne qui a été découverte et je dois me limiter au strict nécessaire pour que soit clair le sens de l'interprétation des résistances, qui comme vous le savez déjà, doit précèder l'interprétation des pulsions refoulées, ou y être associé. Donc, avant tout, il s'agit de montrer comment le moi rejette les pulsions et aussi pourquoi il le fait. nous avons déjà dit quelque chose du pourquoi. Admettre que l'on a certains désirs ou fantasmes est vécu avec de la honte, avec un sentiment d'humiliation , ou d'indignitén avec des sentiments de culpabilité, avec la peur d'être puni, ou, en termes plus généraux, c'est vécu avec souffrance et angoisse. Ces pour se défendre contre ces sensations déplaisantes que le moi rejette de tels désirs et de tels fantasmes de la conscience. Un bel exemple de cela se trouve dans le travail de Nietsche, qui --comme ds'autres philosophes et poètes-- a intuitivement anticipé quelques découvertes de la psychanalyse, encore que de manière isolée. Dans Par delà le Bien et le Mal on trouve l'aphorisme suivant: "j'ai fait cela", dit ma mémoire. "Je ne peux l'avoir fait", dit ma fierté, qui reste implacable. Finalement la mémoire cède."

Enrique Racker