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CRISE
SOCIALE ET SUBJECTIVITE
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Introduction:
¿Comment comprendre la violence émotionnelle sociale?
Pour nous rapprocher des effets subjectifs de la crise sociale en Argentine, il est nécessaire de tenir compte du contexte historique et politique, ce que je vais décrire et penser que ces effets peuvent être catégorisés d’après la psychanalyse de différentes manières. Je vais utiliser un concept: "violence emotionnelle sociale" qui vient d’une lecture personnelle des théories de l’attachement de John Bowlby et de certains travaux ultérieurs de Danya Glaser et de Eduardo Padilla, en Argentine.
La phase d´"attachement" dont parle John Bowlby, entre l’enfant et ses figures significatives, est une structure de rapport et un modèle d’où l´on peut interprêter la détresse originale.
John Bowlby dans « Maternal Care and Mental Health » developpe les concepts de privation affective et son rapport avec différents types de pathologie. Ses études postulent que la délinquence des jeunes devient réiterative quand il y a eu séparation mère-enfant avant l’age de cinq ans. Les enfants ayant vécu dans des institutions depuis leurs premières années sont les plus exposés au développement d’une personnalité antisociale.
Dans la théorie du développement infantile de Winnicott, les comportements sociaux et leur sujetion aux critères moraux sont le résultat des expériences infantiles de « holding » ou au contraire, de privation.
Jacques Lacan avec sa considération de la place dans le désir de l’Autre primordial, développe aussi une conceptualisation de la constitution de l’éthique et la morale individuelle.
Quand on institutionnalise dans un pays la détresse sociale et que l’état abandonne les citoyens, il se produit une rupture du contrat social il apparaît dans la population des réactions et des conduites similaires à celles dont souffrent les individus qui ont subi un abus émotionnel par manque de soins, abandon ou négligence.
Il est possible d’aborder ce sujet depuis des perspectives très différentes, je vais tenter de le faire en prenant appui sur mon expérience de psychanalyste et pédopsychiatre auprès de mineurs ayant eu affaire à la justice et avec d’autres professionnels, dans le champ du droit ,de la psychologie et d’autres sciences sociales.
Pierre Legendre caractérise le droit comme "un texte sans sujet", "comme effet de structure" et l’institution juridique comme une structure qui, en tant que fiction, n’a pas de corps. Les fictions, donc, n’ont pas de corps ni de parole.
Ainsi, "le droit n’est pas la parole d’ un sujet, c’est une cascade de textes avec lesquels on remplit les structures-institutions et qui produit un effet particulier de fiction, comme si les institutions parlaient" (1)
La parole est, pour le psychanalyste, une référence centrale. Il s’agit de l´ être qui parle, du sujet du langage, et à travers la parole, le sujet pourra dévoiler une partie de sa verité.
Il n’y a pas d’analogies possibles, mais des problématiques qui les concernent l’un et l’autre.
Voilà pourquoi Lacan se demande dans le séminaire " L’envers de la psychanalyse": « Où, si ce n’est pas dans le Droit, pouvons nous apercevoir la façon dont le discours structure le monde réel ».(2).
Un peu d’ histoire |
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La conquête de la Patagonie à sang et à feu entre 1878 et 1879 commandée par le Général Julio Argentino Roca, a terrassé ce que l´on appelait le "problème indigène", et a favorisé la formation de l’oligarchie(propiétaire foncière) qui s´approprie des terres conquises aux indiens. Une partie des profits a été investie plus tard dans l’industrie, toujours sous la surveillance de l’Angleterre d´abord et puis, des Etats Unis.
De cette façon, notre pays a construit son profil européen, exprimé dans l’architecture des villes, les idéaux culturels et les ambitions matérielles. Évidemment, il se développe une dépendance des centres de pouvoir, premièrement par rapport aux européens et après, aux américains. Les secteurs plus exploités, héritiers idéologiques de l’anarchisme et du comunisme des immigrants européens, ont été eclipsés par l’avènement au pouvoir de Perón, qui, avec une politique de grandes concessions sociales et économiques, aux secteurs les plus pauvres et avec le dévelopement de l’industrie légère, produit une migration massive des habitants de la campagne à la ville, une vraie "transculturisation" qui a augmenté la tension sociale.
Les positions classiques de la gauche ont été expropriés par le "peronismo" sous la forme d’un mouvement populiste bourgeois. La chute de Perón en 1955 amena un lent processus de perte des conquêtes sociales liées à une direction syndicale corrompue et toujours prête à négocier avec l’intention de maintenir ses privilèges .
L’arrivée en 1966 du gouvernement militaire d’Ongania finit avec les conquêtes culturelles obtenues dès 1955, fondamentalement à l’ Université. La « noche de los bastones largos » "nuit des longs bâtons" quand le gouvernement d’Ongania s’est substitué par la force à l’administration démocratique de l’université de Bs As qui a eu comme conséquence la fuite des cerveaux vers l’étranger et le démantèlement de la culture et le champ scientifique.
Face à la crise dans laquelle se trouvait la dictature, les secteurs traditionnellement contraires au peronisme ont signé un pact avec Péron, exilié en Espagne. Ce pacte a rendu possible son retour en Argentine et a provoqué des attentes rapidement frustrées. Après la mort de Perón commence la plus cruelle et brutale dictature. La folie politique et culturelle qui s´ensuit, des milliers de morts dans des centres de détention clandestins, finit avec le retour à la supposée démocratie du gouvernement d’Alfonsin.
En effet, sous la façade démocratique, une politique de concentration des monopoles avec destruction de l’industrie nationale continuait. Le gouvernement de Menem détruit complètement le patrimoine de l’État, concédant aux multinationales et au capital financier international les entreprises les plus importantes ; il a doublé la dette exterieure et condamné lentement 15 millions de personnes à vivre en dessous du seuil de pauvreté, un processus qui finit avec le gouvernement de De La Rua, dont l’arrivée au pouvoir, malgré le discours d’opposition au "menemismo", approfondit cette politique de destruction.
Avec le retour de la démocratie on attend que les criminels qui avaient provoqué la disparition de personnes, les assasinats massifs, l’augmentation de la dette, allaient être jugés et punis, et que l´on parviendrait au rétablissement du contrat social. Alfonsin, le premier président après la chute de la dictature avait le devoir de faire ce travail. Pourtant tout cela n’a été que des promesses.
Les lois de obediencia debida - d’obéissance due et de punto final - point final, votées pendant son gouvernement, ont laissé en liberté tous les cadres moyens responsables de la répression illégale ; pendant le gouvernement de Menem. cette position est approfondie avec la remise de peine accordée aux membres des trois juntes militaires.
Pendant cette période aussi, les différences sociales se sont creusées en même temps que les moyens de comunication montraient une classe politique associée à une jet set argentine dans des fêtes fastueuses.
Le journalisme dénonçait le style de vie des politiques de second niveau, qui ne laissaient pas de doute à propos de leur enrichissement illégal.
La corruption
n’a eu aucune honte. La liberté des assasins et l’enrichissement
des fonctionnaires de niveau varié coïncidait avec la pauvreté
et le manque d’emploi (chômage involontaire) des millions de personnes
qui observaient comment l’ expression : « con la democracia se educa,
se cura y se come » - "avec la démocratie on guérit,
on éduque et on mange" n’était qu’une promesse sans contenu.
Vingt ans de gouvernements démocratiques ont détruit l’illusion
d’un monde plus juste et compromis l´avenir subjectif de deux générations.
Les conséquences subjectives et sociales de l’impunité sont
graves: douleur sociale, désespoir, violence. Voici donc les évènements,
racontés depuis une certaine position politique sans laquelle on
aurait pu raconter une autre histoire.
Legalite subjective et ordre juridique |
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« Le trait caractéristique d’une civilisation, apparaît dans la manière dont elle règle les rapports des hommes entre eux. Ces rapports, dits sociaux, concernent les êtres humains envisagés soit comme voisins les uns des autres, soit comme individus, soit comme menbres d’une famille ou d’un Etat ». (3)
"El rasgo característico de una cultura" nos dice Freud en el Malestar en la Cultura, "es la forma en que son reguladas las relaciones sociales que conciernen al individuo en tanto que miembro de una familia o un estado". (3)
"La vie en commun ne devient possible que lorsqu’une pluralité parvient à former un groupement plus puissant que ne l’est lui-même chacun de ses membres, et à maintenir une forte cohésion en face de tout individu pris en particulier. La puissance de cette communauté en tant que "Droit" s’oppose alors à celle de l’individu, flétri du nom de force brutale"(4)
"La vida humana en común sólo se torna posible cuando llega a reunirse una mayoría más poderosa que cada uno de los individuos y se mantiene unida frente a cada uno de estos. El poderío de tal comunidad se enfrenta entonces como derecho con el poderío del individuo que se tacha, de fuerza bruta". (4)
"Ainsi donc, la prochaine exigence culturelle est celle de la "justice", soit l’assurance que l’ordre légal désormais établi ne sera jamais violé au profit d’un seul. Nous ne nous prononcerons pas sur la valeur éthique d’un tel "Droit"". (5)
"Así pues, el primer requisito cultural es el de la justicia, o sea, la seguridad de que el orden jurídico ya no será violado a favor de un individuo, sin que esto implique un pronunciamiento sobre el valor ético de semejante derecho" .(5)
Dans cette definition du droit, Freud souligne le sens que prend la restriction des satisfactions pulsionnelles individuelles, en tant que pas décisif vers la culture.
Il est possible d’aborder ce sujet d’après des points de vue très différents, mais je vais essayer de me fonder sur mon expérience en tant que psychanalyste et psychiatre auprès d´ enfants et de jeunes, dans mon travail avec des mineurs ayant eu affaire à la justice et avec d´autres professionnels, du droit et de la psychologie et des sciences sociales.
Il n’y a pas de doute qu’on assiste à l’augmentation mondiale de formes diverses de violence, guerres, famines, destruction de populations, augmentation constante de l’inégalité d’opportunités et de distribution chaque fois plus inégale de la richesse.
Les conséquences sur les populations et en particulier sur l’Argentine, sont : le non- accès à l’emploi, à l’éducation, à la santé et le développement de secteurs chaque fois plus larges qui restent hors du système productif, et tombent dans la marginalité.
Promouvoir la marginalisation par des actions concrètes, ou au contraire, par l’abandon social, entraîne la violence sociale. Si on ajoute la rupture du contrat social et la réduction ou la dissolution de la trame sociale qui devrait contenir avec ses pactes et ses règles, les pulsions individuelles ; le scénario qui résulte est l’augmentation de la violence.
L’augmentation de la délinquance chez les jeunes en est un exemple, étant donné que la réponse face à la violence sociale est toujours une réponse violente des individus.
Le mécanisme est circulaire et se termine avec une autre expression de la violence sociale, celle des moyens de communication, qui deviennent les porteparole des victimes de la délinquance et exigent la vengeance. Ils exposent devant leurs caméras les victimes des enlèvements, ou de la répression policière, et leur arrachent des exigences de peine de mort, ou de diminution de l’age de responsabilité des mineurs, en présentant les choses comme si c’était la population en général et non les experts et les législateurs qui auraient à s’occuper du sujet. Ils rendent possible que les victimes expriment leurs opinions et confondent la douleur et l’horreur avec les nécessités d’arriver à des politiques publiques qui éliminent les causes de la violence et non seulement les acteurs, qui sont en même temps les victimes de la chaîne de violence. Je peux donc essayer une redéfinition des termes; entre la légalité subjective et l’ordre juridique, on peut développer des formes variées de violence émotionelle sociale .
Quelques unes prennent forme dans le contexte social élargi et d’autres dans le domaine spécifique du droit, on peut les appeller Violence Emotionnelle Sociale dans le domaine de la Justice.
Ce que nous venons de décrire jusqu’ici c’est du champ de la justice et de l´ injustice sociale, cela n’arrive pas dans les tribunaux, mais de toutes façons provoque des conséquences très graves dans le psychisme des personnes et dans les structures sociales, très affaiblies.
Je vais parler alors de trois situations différentes dans lesquelles les personnes subissent des violences émotionnelles dans l’espace spécifique de la justice.
D’abord, l’idée d’une justice différenciée, inégale por tous les citoyens, fait partie de la culture collective depuis longtemps.
Les responsables de crimes très graves pendant la dictature militaire n’ont pas accompli les condamnations que la justice leur avait imposées, et beaucoup d’autres ont fui, aidés par le pouvoir politique et sans même arriver devant la justice. Cela est injuste.
Les responsables de la chute économique et sociale des 12 dernières années sont toujours en train de festoyer en liberté. On pourrait citer plusieurs autres situations. Ce n´est pas ici le lieu pour considérer les responsabilités mais pour affirmer qu’on habite dans un pays où l’idée de l’injustice, à l´intérieur ou hors du Palais de Justice, est partagée par la plupart des habitants.
Il n’y pas de sanctions égalitaires et ce qu´on appelle "viveza criolla" « la malignité criolla », s’est intallée et grandit sous le sentiment d’impunité connu en détail par toute la population. Chaque fois plus de gens acceptent de petits actes de corruption comme étant des actes moraux : ne pas respecter les files d’attente, payer des pots de vin pour faire plus vite une démarche, etc. Au milieu de cette impunité, le sentiment moral s´effrite.
Alors, le premier
point c’est qu’on habite dans une societé très injuste, que
cette injustice produit différents types de violence et que ce cercle,
sur les bords du « sauve-qui-peut », exprime jusqu´à
quel point le manque de moral est devenu acceptable .
Deuxième
point: les nouvelles formes de la délinquance des jeunes
Des jeunes, chaque fois plus jeunes, presque des enfants, participent à des crimes violents sans qu’ on puisse trouver un rapport de cause à effet, ni aucune mesure, entre l’intention (voler une montre, par exemple) et la conséquence de l’acte en meurtre. Quand on leur demande ce qui les a emmenés à tuer quelqu’un qu’ils ne connaissaient pas, une personne qu’ils ne haïssaient pas, à qui ils auraient pu prendre un objet de valeur sans grande résistance, ils continuent à répondre que la vie ne vaut rien. Celle de la victime? Non, la leur. C´est pour cela qu’ils peuvent la risquer pour un objet quel qu’il soit.
On se trouve face à des personnes pour lesquelles le désespoir et l’exclusion a au moins deux générations. Est-il possible d’utiliser les catégories psycologiques et psychanalytiques qui interviennent dans la constitution de la conscience morale et le dévelopement de la compréhension et du discernement, sans tenir compte de la valeur constitutive de la marginalisation?
Pour qu’un enfant se développe, certaines conditions structurales sont nécessaires.
La prématuration biologique de l’être humain le met physiquement et émotionnellement dans une situation de détresse absolue s’il n’a pas les conditions nécessaires pendant une période très longue de sa vie.
Cette dépendance
extrême a ses particularités, il ne s’agit pas seulement de
satisfaire ses besoins (nourriture, vêtement) mais aussi de lui fournir
un support pour le développement physique et émotionnel sur
une structure symbolique que ses parents lui fourniront..
Quelle
est cette structure?
Il s’agit d’une trame de lieux et de fonctions, qui permettront la constitution de l’enfant comme "fils de"; elle inclut les rêves et désirs autour de l’enfant, le désir de la mère pour le père et de celui-ci pour elle. On voit comment ce qui est strictement biologique devient le fondement d’un processus complexe d’humanisation où les soins transmettent des valeurs et les désirs organisent le monde symbolique de l’enfant.
C’est pour cela que dans le centre du problème on considère le sens crucial qu’implique pour un sujet humain de grandir dans une structure familiale.
"La familia conyugal se ha sostenido como estructura vincular en la evolución de las sociedades" (6) "La famille conjugale s’est maintenue en tant que structure de lien dans l’évolution des sociétés" (6)
Si on se demande pourquoi, on doit souligner que sa fontion est de transmettre quelque chose de strictement humain, qui ne peut pas se borner au soin des besoins élémentaires d’un enfant, comme la nourriture, l’affection ou l’éducation, cela pourrait être fourni par une institution. Pourtant, la vie humaine appartient "à un ordre différent à celui de la satisfaction des besoins, c’est celui d’une constitution subjective" (7) "pertenece a un orden distinto al de la vida adecuada a la satisfacción de las necesidades- que es la de una constitución subjetiva" (7).
Cela veut dire que le développement de l’être humain se réalise au sein d’une structure dans laquelle le désir se transmet, et que celui- ci ne soit pas anonyme.(6) et (7)
La famille est donc la voie de constitution et d’organisation symbolique de toutes les expériences infantiles; les fonctions du père et de la mère doivent se comprendre selon cette perspective en soulignant que le moteur de l´engagement affectif et moral de l’enfant va dépendre du fait d’avoir eu un lieu de soin où on lui ait transmis un désir et une loi qui fondera la légalité interne du sujet. Mais pour chaque enfant et chaque famille il y aura une relation de possibilité indispensable qui est la qualité de son insertion sociale. Dans une trame sociale fracturée, l’organisation symbolique subjective va trouver un chemin particulier.
Le désir social est le lieu sur lequel s’étayent les désirs individuels. Le désespoir, l’abandon et la marginalité favorisent le mépris de la vie et l’apparition de conduites antisociales. Ce sont précisément ces conditions qui provoquent la dissolution des familles et un étayage qui n´est pas solide pour le développement des enfants.
C´est pour cela qu’un nombre chaque fois plus nombreux d’enfants grandit dans la rue ou dans des institutions, où ils arrivent parce qu´ils se sont trouvés en situation d’abandon moral ou matériel, ou parce qu’ils ont montré des conduites délictives précoces. Les conduites antisociales décrites mettent à l’épreuve les principes de constitution du sentiment moral. Les enfants qui ont vécu depuis la première enfance dans des institutions, avec différentes personnes, montrent généralement des défaillances dans leur structuration psychique et subissent des conséquences déficitaires sur le développement de leur capacité morale.
C’est pour cela qu’on constate une plus grande fréquence d’apparitions de conduites antisociales chez les enfants et les jeunes dans la rue ou dans des institutions, par rapport à ceux qui ont eu une expérience de famille, surtout si celle –ci est fonctionnelle et elle remplit les conditions décrites auparavant. Le soin anonyme laisse un enfant en dehors de la représentation d’être quelque chose pour quelqu’un et généralement se traduit par un mépris ultérieur de la vie et des désordres psychiques importants.
La violence chez les jeunes montre dans l’actualité jusqu’où le social s’articule au psychique. Si les grands parents, les parents et les enfants sont exclus du désir social, cela produit non seulement la désorganisation psychique mais l’inconsistance des fonctions de sentiment moral.
On va voir un exemple de la vie quotidienne.
Une femme médecin d’enfants va tous les jours à un centre de santé périphérique dans la ville de Buenos Aires. Ellle porte sa blouse blanche, parce qu’elle est confortable, mais aussi par des raisons de sécurité. Jamais, ni elle ni ses collègues n´ont vécu des situations de violence quotidienne comme celles racontées par les voisins et les passants.
Elle savait que ses vêtements de travail la protégeaient des attaques. Près de la petite salle de premiers soins, un enfant de 12 ans s’approche violemment d’elle, en la menaçant avec un couteau, et lui demande son sac, sa montre et une petite chaîne en or.
Elle lui questionne pourquoi il s’en prend justement à elle, qui s’occupe de soigner les habitants de son quartier, et l’enfant répond que ça n’a pas d’importance. Habituée à traiter ce type de garçons, elle lui parle durement et ne fait qu´augmenter sa violence. Elle dit –Tu ne sais pas que si la police te prend, elle peut te tuer? Il répond - Ma vie n’a pas d’importance. Il la bouscule et s’échappe.
La législation argentine a participé toujours d’un fort caractère paternaliste en ce qui concerne les enfants et les jeunes. La dite loi du patronat, laisse entre les mains du pouvoir discrétionnel des juges les mesures à prendre avec les mineurs considerés en risque moral ou matériel. A partir de cette conception, un nombre très important d’enfants et de jeunes, victimes de l’abandon familial ou de la violence, et aussi ceux qui sont auteurs de délits, sont mis sous la tutelle de la justice, qui ne fait pas de différence entre leurs conditions personnelles et sociales et finit par les placer dans les mêmes endroits.
Ainsi, la dite protection intégrale de l’enfance et de l’adolescence rassemble victimes et bourreaux sous un même toit, avec l’idée de les éduquer et de les protéger, les concentrant dans des lieux qui ne sont pas très différents des prisons. Le droit à la défense est laissé de côté car la loi de la non-responsabilité des mineurs ne tient compte que de l’age, et qui en fait polarise les dicussions entre législateurs, juristes, médias et experts en psychologie. Le résultat de ces discussions, c’est que la croyance populaire dans le châtiment exemplaire augmente, sans tenir compte de l’échec dans d’autres pays de la réduction de l’age de responsabilité pénale comme méthode de prévention de la criminalité juvénile. Le processus de re-victimisation assure ainsi son circuit, et génère non seulement de nouvelles victimes du système de violence sociale, mais aussi de nouveaux acteurs.
Dans la mesure
où la seule possibilité de réduire la quantité
de crimes commis par des enfants et des jeunes ce sont les politiques publiques
qui les réinsèrent dans la societé, et rendent possible
la restitution de leur valeur de sujets et de citoyens; la gestion politique
devient hypocrite et le supposé "soin de l’enfance" se transforme
en répression qui a coûté la vie de beaucoup de jeunes
dans les commissariats et dans les rues.
Troisieme
point : Violence émotionnelle quand la parole d’un enfant n’est
pas entendue ni reconnue en tant que porteuse de vérité.
La Convention internationale des droits de l’enfant introduit des modifications importantes dans les pratiques sociales et juridiques. Mais on doit être attentif à l’ambigüité de certains postulats.
Même si cela est considéré depuis la perspective de garanties pour l’enfant en tant que sujet de droit et pas seulement comme objet de la protection discretionnelle de l’ État, une série de problèmes inéluctables se présentent:
1.- Qui détermine et à partir de quoi l’"intérêt supérieur"de l’enfant?
2.- Qu’est-ce qui est consideré le "bien" de l‘enfant?
3.- Quels sont les outils que le droit donne à ce petit sujet pour qu’ il exprime son désir?
4.- En tant que sujet de droit, quels sont les moyens garantis pour exercer ce droit?
5.- Que faut-il faire quand le désir de l’enfant ne coïncide pas avec le supposé intérêt supérieur, quand l’idéal du bien être social s’oppose au choix personnel d’un petit sujet ?
6. -Quelle valeur de vérité donne-t-on à la parole de l’ enfant?
Pour illustrer la manière dont on écoute parfois un enfant et les conséquences non désirées d´ une position protectrice extrême, on transcrit ici un cas clinique qui m´a été presenté dans l’espace de supervision des stages d’un hôpital psychiatrique pour enfants et jeunes.
Même si
l’histoire de cet enfant a eu lieu avant la sanction de la nouvelle loi
d’ adoption, celui-ci est entré à l’ hopital en l996, au
moment où la convention internationale des droits de l’enfant était
dejà incorporée à la constitution argentine.
Le
cas clinique
Alberto, 15 ans, a été adopté à 7 ans et 9 mois avec ses deux frères de 6, et 4 ans. Ils se trouvaient depuis deux ans dans un institut de mineurs ou ils étaient entrés en état de malnutrition. Il n´y a pas de renseignements préalables à leur entrée dans l´ institut de mineurs. Alberto est le seul qui exprime ne pas vouloir être adopté et demande de rester à l’ institut. Ils sont donnés en adoption pleine et leurs noms et prénoms sont changés.
Les troubles de conduite d’Alberto commencent immédiatement: vols réiterés, incendie dans la cour, mensonges, fugue du foyer d’adoption. Pendant sept ans, à partir de ses huit ans jusqu’au moment où il est admis à l´hopital, différents traitements psychothérapeutiques demandés par les parents adoptifs sont réalisés. Finalement après une fugue de trois jours et deux nuits, les parents font une demande judiciaire d’hospitalisation psychiatrique.
L’ histoire que les parents racontent est qu’Alberto s’est toujoursrefusé à être adopté. Il vole tout, depuis des aspirines jusqu’à la nourriture dans le frigo, des souvenirs de famille et de l´argent, met le feu et ne peut pas s’arrêter. Les parents voulaient adopter trois garçons, tout en sachant qu’il y avait une petite sœur, encore bébé au moment de l’adoption. Ils conaissaient l’adresse des parents biologiques et celle de la petite fille aussi. Ils n’ont jamais raconté ça aux enfants, leur ont transmis que leur mère était une prostituée et leur père un ivrogne qui allait mal tourner. Tous les traitements s’interrompent quand les thérapeutes essayent d´aborder la vérité sur les origines d’Alberto. Les parents dénonçaient toujours cela et Alberto a continué à demander des renseignements sur son passé sous la forme des élans et des différents symptômes qu’il manifestait.
A l’hôpital, Alberto repète les conduites décrites pendant un mois, voler, mentir, s’enfuir, et le feu. Finalement il est devenu calme, mais quand les permissions pour sortir ont commencé les disputes avec les parents ont repris et les accusations de vol. Ils ont pris la décision de ne plus aller le voir et ils n’ont jamais emmené les petits frères. Alberto a insisté dans son refus du nom des parents adoptifs préférant retourner vivre dans un institut de mineurs.
Je retiens deux
expressions de ce garçon: "Je ne veux pas parler de mes parents
biologiques, ils sont des parents de merde, je ne sais pas s’ils peuvent
s’appeler parents. Ils n’existent pas pour moi, je ne sais pas ce qui s’est
passé avec eux, et ça n’a pas d’importance. De mes parents,
ceux que j’ai, je ne veux pas habiter avec eux, je ne l´ai jamais
voulu. Que mes frères restent avec eux, ils s´y sont habitués,
mais pas moi. Dites au juge que je ne veux pas rentrer avec cette famille.
Qu’il cherche un institut d’enfants de la rue pour moi." C’est cette parole
qui a été respectée, et c´est ce qui a été
fait.
COMMENTAIRE
Le refus d´Alberto face à l´adoption affirme sa position. En premier lieu, il est le fils de "ses parents de merde", et il est disposé à le défendre. Pour le soutenir, il est indispensable de ne pas être le fils de quelqu´un d’autre. En deuxième lieu, et pour réaffirmer sa filiation constitutive, (non pas en tant que filiation biologique, ni à cause de sa qualité, mais par la condition de vérité, l’autenticité qu’elle comporte pour lui), il veut être un enfant de la rue. Vivre dans l’ anonymat d´une institution de mineurs est la seule forme de conserver le nom que ses parents lui ont donné.
Dans son agir et ses élans, Alberto semble révéler quelques signifiants qui constituent ses premières marques. Ses parents lui sont présentés comme des êtres antisociaux et de la rue: la mère prostituée et le père alcoolique. Lui il vole, incendie, ment et fugue. De nouveau, il soutient d’après les traits d’identification présentés dans ses symptômes, le lien avec ses origines, seule filiation reconnue. A son avis, il n’a pas eu de possibilités, peut-être y en aura-t-il pour ses petis frères, d’intégrer dans un nouveau roman familial ses marques constitutives. Alberto n’a pas pu être "adopté pleinement", car on lui a exigé, en lui cachant ses origines, un renoncement auquel il n´était pas prêt. L’adoption pleine, pas dans le sens juridique, aurait impliqué de l’acceuillir avec tous les signifiants qu’il apportait dejà avec lui. Alberto n’a pas pu construire une nouvelle historie avec ses traitements car il y a un DROIT qui coïncide avec son DESIR que personne n´a voulu entendre.
Le chemin qui
lui reste, face à cette surdité est de réaffirmer
son histoire sociopathique à travers ses actes. Ils semblent le
mener à la délinquance. Peut être que la légitimation
de son désir, dans le croisement précis avec son droit, aurait
pu finir la carrière judiciaire-psychiatrique de cet adolescent.
Nous n’avons plus de renseignements sur son évolution ultérieure.
L’
adoption et le bien commun
Alberto a demandé la reconnaissance de son statut de sujet face à son histoire. A travers ses demandes, il a dénoncé que son désir ne coïncidait pas avec ce qu’on entend par bien commun, le bien être considéré comme l´intérêt supérieur de l’enfant.
Il est sûr
que l´adoption a été conçue en tant que bien
commun. Le choix social est clair, entre vivre dans la rue, dans une institution
pour des mineurs, ou avoir une famille, on choisit une famille. Mais tel
que cela a été fait, en essayant d´effacer les parents
biologiques et donc son passé antisocial, on a méconnu la
valeur que cela avait pour lui et on l’a condamné à la recherche
de son "propre mal".
ETRE
un enfant de la rue :
Celle –ci semble être la seule condition d’existence pour Alberto. S’il y renonce, il disparaît comme sujet.
Pour conclure,
ce sont quelques unes des formes de la crise sociale, la perte de la justice,
la perte de la dignité, l’effritement du sentiment moral et la revictimisation
des victimes. Dans le domaine judiciaire particulier du travail avec des
enfants et des adolescents, le cercle se referme en éloignant les
sujets de leur droits mais aussi des voies indispensables pour arriver
à leur désir.
Bibliographie
:
Pierre Legendre. « Le Palais de la Justice » en Recherches numero 40, Juges et Procureurs. Paris. Mars 1980.
Jacques Lacan. « El Reverso del Psicoanalisis » en El Seminario numero 17. Editorial Paidos. Buenos Aires 1975.
(4) (5) Sigmund Freud. « El Malestar en la Cultura » en Obras Completas. Editorial Biblioteca Nueva. Tomo III. 1973.
(6) (7) Jacques
Lacan. « Deux notes sur l’enfant ». Interventions et textes
2. Ed. Manantial. 1988.
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Introducción:
¿Cómo entender la violencia emocional social?
Para aproximarnos a los efectos subjetivos de la crisis social en la Argentina, es necesario contar con el entorno histórico-político, que describiré luego y pensar que dichos efectos pueden categorizarse desde el psicoanálisis de variadas maneras. Utilizare un concepto: " violencia emocional social" que surge de una lectura personal de las teorías del apego de John Bowlby y de algunos desarrollos posteriores de Danya Glaser y en la Argentina Eduardo Padilla.
La fase de "attachment" o ligadura a la que se refiere John Bowlby, entre el niño y sus figuras significativas, es una estructura de vinculacion y un modelo desde el cual concebir el desamparo original. .
Cuando en un pais se institucionaliza el desamparo social y el estado abandona a los ciudadanos, se evidencia la ruptura del pacto social y aparecen en la poblacion reacciones y conductas similares a las que sufren los individuos que han padecido abuso emocional por descuido, abandono o negligencia.
Es posible abordar este tema desde muy diversos lugares, pero voy a intentar hacerlo basándome en la experiencia que como psicoanalista y psiquiatra infanto juvenil recojo en mi trabajo con menores judicializados y con otros profesionales, tanto del campo del derecho como de la psicología y otras ciencias sociales.
Pierre Legendre caracteriza al derecho como "un texto sin sujeto", "como efecto estructural" y la institución jurídica como estructura que, en tanto ficción, no tiene cuerpo. Las ficciones, por lo tanto no tienen cuerpo y carecen de la palabra.
En este sentido "el derecho no es la palabra de un sujeto, es una avalancha de textos con los que se rellenan las estructuras-instituciones y se produce un particular efecto ficcional, es como si las instituciones hablaran" (1)
La palabra es en psicoanálisis referencia central. Se trata del ser que habla, del sujeto del lenguaje y es mediante la palabra que el sujeto podrá develar algo de su verdad.
No hay analogías
posibles, pero si problemáticas entre el derecho y el psicoanálisis
que no dejan de tocarse. Es así que Lacan se pregunta en el seminario
" El reverso del psicoanálisis" : "¿ donde, si no es en el
derecho, se palpa de que modo el discurso estructura el mundo real?" (2)
Un
poco de historia:
La actual situación social de la Argentina no obedece a una crisis por la aplicación reciente del modelo neo liberal. Es el resultado del desarrollo desigual de los actores sociales desde el siglo XlX
La conquista de la Patagonia a sangre y fuego entre 1878 y 1879 a cargo del General Julio Argentino Roca, aniquiló el llamado "problema indígena" y posibilitó la formación de la oligarquía terrateniente a expensas de las tierras conquistadas a los aborígenes. Parte de las ganancias se invirtieron luego en la industria, siempre bajo la tutela de Inglaterra y posteriormente de EU. De este modo configuró nuestro país su perfil europeo expresado en la arquitectura de las ciudades, los ideales culturales y las ambiciones materiales. Naturalmente, se generó una dependencia de los centros de poder, primero europeos y luego americanos. Los sectores mas explotados, herederos ideológicos del anarquismo y comunismo de los inmigrantes europeos quedaron eclipsados por el acceso al poder de Perón, quien con una política de grandes concesiones sociales y económicas a los sectores más humildes y el desarrollo de la industria liviana, produjo una masiva migración de los habitantes del campo a la ciudad (cabecitas negras). Se generó así una verdadera transculturación que incrementó la tensión social. Las clásicas posiciones de la izquierda fueron expropiadas por el peronismo bajo la forma de un movimiento populista burgués. La caída de Perón en 1955 trajo un lento proceso de despojamiento de las conquistas sociales de la mano de una dirigencia sindical corrupta y siempre dispuesta a negociar con el objetivo de mantener sus privilegios, La llegada en 1966 del gobierno militar de Ongania terminó de liquidar las conquistas culturales conseguidas desde 1955, fundamentalmente en la universidad. La famosa "noche de los bastones largos," cuando fue intervenida la Universidad de Buenos Aires y la posterior "fuga de cerebros" hacia el extranjero, desmantelaron la cultura y el campo científico en la Argentina en muy poco tiempo. Frente a la crisis en la que entró la dictadura, sectores tradicionalmente adversos al peronismo realizaron un pacto con Perón, quien estaba exiliado en España, posibilitando su regreso al país y generando una enorme expectativa popular. Esta expectativa social fue rápidamente liquidada. Después de la muerte de Perón se inició la más cruel y brutal dictadura. El desquicio político y cultural generado, más miles de muertos en centros clandestinos de reclusión culminó con el retorno a la supuesta democracia del periodo de gobierno de Alfonsin. Sin embargo, bajo la fachada democrática, continuó una política de concentración monopólica con destrucción de la industria nacional. El gobierno de Menem liquidó por completo el patrimonio del estado concediendo a empresas de servicios y al capital financiero internacional los negocios más importantes. Duplicó la deuda externa y condenó lentamente a mas 15 millones de personas a vivir por debajo de la línea de pobreza, proceso que terminó con el gobierno de De la Rua, quien subió al poder con un discurso de oposición al menemismo, pero que en los hechos profundizó aun mas esta política devastadora.
Con el retorno a la democracia se esperó que se juzgaran y castigaran a los criminales que provocaron la desaparición de personas, los asesinatos masivos, el creciente endeudamiento y se reestableciera el pacto social. Alfonsín, el primer presidente después de la caída de la dictadura tenía en sus manos llevar a cabo esta tarea. Sin embargo, todo quedó en una promesa.
Las leyes de obediencia debida y punto final que se dictaron bajo su gobierno, dejaron en libertad a todos los cuadros intermedios responsables de la represión ilegal. Durante el gobierno de Menem se profundizó esta actitud con el indulto a los miembros de las tres juntas militares.
Durante ese período se profundizaron también las diferencias sociales mientras los medios de comunicación mostraban a una clase política dirigente asociada al jet set argentino en fiestas fastuosas. El periodismo denunciaba el estilo de vida de políticos de segundo nivel que no dejaban dudas acerca del enriquecimiento ilícito que obtenían. La corrupción no tuvo pudor alguno. La libertad a los asesinos y el enriquecimiento de funcionarios de variado nivel coincidieron con la pobreza y falta de empleo de millones de personas que observaban cómo la ilusión de que con la "democracia se educa, se cura y se come", no había sido más que una promesa incumplida. Veinte años de gobiernos "democráticos" terminaron con la ilusión de un mundo más justo y comprometieron el futuro subjetivo de dos generaciones. La impunidad quedó así catapultada y sus consecuencias subjetivas y sociales son graves : dolor social, desesperanza, violencia. Hasta aquí la historia, evidentemente contada desde una determinada posición política, sin la cual no habría historia.
Legalidad subjectiva y orden jurídico |
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"El rasgo característico de una cultura" nos dice Freud en el Malestar en la Cultura, "es la forma en que son reguladas las relaciones sociales que conciernen al individuo en tanto que miembro de una familia o un estado". (3)
"La vida humana en común sólo se torna posible cuando llega a reunirse una mayoría más poderosa que cada uno de los individuos y se mantiene unida frente a cada uno de estos. El poderío de tal comunidad se enfrenta entonces como derecho con el poderío del individuo que se tacha, de fuerza bruta". (4)
En esta definición de derecho, Freud destaca el sentido que asume la restricción de las satisfacciones pulsionales individuales, como paso decisivo hacia la cultura.
"Así pues, el primer requisito cultural es el de la justicia, o sea, la seguridad de que el orden jurídico ya no será violado a favor de un individuo, sin que esto implique un pronunciamiento sobre el valor ético de semejante derecho" (5).
Es indudable que asistimos desde hace mucho tiempo al crecimiento mundial de distintas formas de violencia: guerras, hambrunas, exterminio de poblaciones, aumento permanente de la desigualdad de oportunidades y distribución cada vez más inequitativa de la riqueza. Las consecuencias sobre las poblaciones, y en particular si nos referimos a nuestro país, implican el no acceso al trabajo, a la educación, a la salud y el desarrollo de sectores cada vez más amplios de personas que al quedar fuera de un sistema productivo, caen en la marginalidad.
Promover, por acción u omisión, la marginalización de la población, es violencia social.
Si le agregamos: ruptura del contrato social y deterioro o disolución de la trama social que debería contener mediante sus pactos y reglas las pulsiones individuales, el panorama que tenemos es de creciente violencia. El aumento de la delincuencia juvenil, es ejemplo de ello ya que la respuesta a la violencia social, es siempre una respuesta violenta de los individuos. El mecanismo es circular y finaliza con una nueva muestra de violencia social, la de los medios de comunicación, que se erigen en portavoces de la población afectada por la delincuencia y piden venganza. Exponen a las víctimas de secuestros o de represión policial ante las cámaras y les arrancan pedidos de pena de muerte. Instalan el tema de la disminución de la edad de imputabilidad en los menores como si fuese la gente en general y no los expertos junto con los legisladores, quienes deberían ocuparse del tema. Propician que las víctimas opinen confundiendo el dolor y el horror con la necesidad de pensar en políticas públicas que erradiquen las causas de la violencia y no sólo a los actores, quienes al mismo tiempo son víctimas de la cadena de violencia.
Puedo entonces redefinir el tema: entre la legalidad subjetiva y el orden jurídico, se desarrollan variadas formas de violencia emocional social. Algunas de ellas son concretadas en el amplio marco social y otras dentro del campo específico del derecho. Podemos llamar a ambas: Violencia Emocional Social en el ámbito de la Justicia. Lo descripto hasta aquí, es del ámbito de la justicia e injusticia social, no ocurre dentro de los tribunales, pero no deja de provocar consecuencias gravísimas en el psiquismo de las personas y en las debilitadas estructuras sociales.
Me referiré a tres situaciones diferentes en las cuales las personas son violentadas emocionalmente dentro del ámbito específico de la justicia.
En primer lugar, es parte de la cultura colectiva desde hace mucho tiempo, que la justicia no es igual para todos. Que los responsables de gravísimos delitos durante la dictadura militar no han cumplido las condenas que judicialmente les fueron impuestas, que muchísimos otros escaparon amparados en el poder político, sin siquiera llegar a la justicia. Eso es injusto.
Los responsables del derrumbe económico y social de los últimos 12 años, siguen festejando en libertad. Y así podríamos nombrar muchas otras situaciones. No es este mi lugar para imputar responsabilidades, pero sí para afirmar que vivimos en un país en el cual desde hace un tiempo largo, la idea de la injusticia, dentro y fuera de los tribunales, es compartida por la mayoría. No hay sanción igualitaria y la llamada viveza criolla, se instala y acrecienta sobre el sentimiento de impunidad conocido en detalle por toda la población. Cada vez más gente acepta como moral pequeños actos corruptos, desde adelantarse en una fila, pagar una coima para apresurar un trámite, etc., porque en medio de la impunidad en la que se vive, el sentimiento moral se deteriora.
Entonces, el
primer punto es que vivimos en una sociedad sumamente injusta, que por
esa injusticia es generadora de distintos tipos de violencia y en la que
se circuló por los bordes o resquicios del sálvese quien
pueda, expresión de cómo lo inmoral se vuelve aceptable.
Segundo
punto: Las nuevas formas de delincuencia juvenil.
Jóvenes cada vez más niños participan de delitos violentos sin que haya una relación causal ni una medida calculable, entre lo que se pretende hacer, (robar un reloj, por Ej.) y un desenlace en un homicidio. Cuando se les pregunta a estos jóvenes qué los llevó a matar a alguien a quien no conocían, a quien no los vinculaba el odio, es más, a quien pudieron haberle quitado algún objeto de valor sin que se resistiera demasiado, infaliblemente responden que la vida no vale nada. ¿ La de la víctima? No, la de ellos. Es por eso que pueden jugársela por un objeto cualquiera.
Nos encontramos con personas para quienes la desesperanza y la exclusión tienen por lo menos dos generaciones. ¿Es posible aplicar las categorías psicológicas y psicoanalíticas que intervienen en la constitución de la conciencia moral y el desarrollo de la comprensión y el discernimiento, sin incluir el valor constitutivo de la marginalización?
Para que un niño se desarrolle, son necesarias algunas condiciones estructurales que examinaremos a continuación.
La prematuración biológica con la que nace un niño lo obliga a depender de quien lo cría y lo ubica física y emocionalmente en una situación de desamparo absoluto si no dispone de las condiciones necesarias durante un periodo muy largo de su vida.
Esta dependencia
extrema tiene sus particularidades, ya que no solo se trata de satisfacerle
las necesidades (alimento, abrigo, etc.,) sino que apoya el desarrollo
físico y emocional sobre una estructura simbólica que le
brindarán sus padres.
¿Cuál
es esta estructura?
Se trata de una trama de lugares y funciones, que permitirán constituir al niño como "hijo de". Incluye los anhelos y deseos sobre el niño, el deseo de la madre por el padre y del padre por la madre. Se verá cómo lo estrictamente biológico se convierte en sustrato de un complejo proceso de humanización en el que los cuidados transmiten valores y los deseos organizan el mundo simbólico de la criatura.
Es por ello que en el centro del problema planteamos el sentido crucial que adquiere para un sujeto humano la crianza dentro de una estructura familiar. "La familia conyugal se ha sostenido como estructura vincular en la evolución de las sociedades" (6) Si nos preguntamos por qué, tenemos que resaltar que es porque su función es transmitir algo exclusivamente humano, algo que no se limita a los cuidados de las necesidades básicas de un niño, como podrían ser la alimentación, el abrigo, la educación o el afecto necesario. Esto lo podría cumplir una institución. Sin embargo, la vida humana "pertenece a un orden distinto al de la vida adecuada a la satisfacción de las necesidades- que es la de una constitución subjetiva" (7). Esto implica que el desarrollo de un ser humano se realice dentro de una estructura en la que se transmita un deseo, y que este deseo no sea anónimo. (6) y (7)
La familia es entonces vía de constitución y de organización simbólica de todas las experiencias infantiles, las funciones del padre y de la madre deben entenderse según este criterio, subrayando que el motor del compromiso afectivo y moral del niño dependerá del hecho de haber tenido un lugar de crianza en el cual se le haya podido transmitir un deseo y una ley, que será fundante de la legalidad interna del sujeto.
Pero para cada niño y para cada familia habrá una relación de posibilidad indispensable que es la calidad de su inserción social. Dentro una trama social fracturada, la organización simbólica subjetiva encontrará un camino particular.
El deseo social es el lugar sobre el que se apoyan los deseos individuales. La desesperanza, el abandono y la marginación son propiciatorios del desprecio por la vida y de la aparición de conductas antisociales.
Precisamente, estas condiciones sociales que describimos generan la disolución de las familias y el inadecuado sostén para el desarrollo de sus hijos.
En virtud de ello un número creciente de niños se cría en la calle o en instituciones a las que llegan por encontrarse en estado de abandono moral o material, o por haber presentado tempranamente conductas delictivas.
Las conductas antisociales ponen a prueba los principios de constitución del sentimiento moral.
Los niños criados desde muy pequeños en hogares, a cargo de distintas personas, revelan generalmente severas fallas en su estructuración psíquica y sufren consecuencias deficitarias sobre el desarrollo de su capacidad moral.
Es por ello que constatamos la mayor frecuencia de aparición de conductas antisociales entre niños y jóvenes criados en la calle o en instituciones que entre aquellos que tuvieron una crianza dentro de su familia, sobre todo dentro de una familia funcional, en la cual se hayan cumplido las condiciones anteriormente descriptas. El cuidado anónimo deja a un niño por fuera de la representación de ser algo para alguien y esto por lo general se traduce en un desprecio posterior por la vida y en desórdenes psíquicos importantes.
La violencia juvenil demuestra en la actualidad, hasta qué punto lo social se articula con lo psíquico... Si los abuelos, los padres y los niños están excluidos del deseo social, esto produce no sólo la desorganización psíquica sino la inconsistencia de las funciones del sentimiento moral.
Veamos un ejemplo de ello en la vida cotidiana.
Una médica pediatra camina como todos los días hacia un centro de salud periférico en la ciudad de Buenos Aires. Lleva puesto su ambo de guardia, por comodidad y también por seguridad. Nunca, ni ella ni sus compañeros de trabajo habían padecido en carne propia la violencia que es común para vecinos y ocasionales transeúntes. Ella sabía que su vestimenta de médica la protegía de ataques. Cerca ya de la pequeña sala de atención primaria, un niño de 12 años se le acerca con violencia y amenazándola con una navaja, le pide la cartera, su reloj y una cadenita de oro. Ella le pregunta por qué le hace eso a ella, que es la médica que los atiende en el barrio. El niño contesta que no le importa. Acostumbrada al trato con estos niños lo increpa duramente y solo consigue aumentar su violencia. Le dice: "no sabes que si te agarra la policía te puede matar"?- y él responde: "-mi vida no me importa-". La empuja y escapa.
La legislación
Argentina ha participado siempre de un fuerte carácter paternalista
en lo que se refiere a los niños y a los jóvenes. La llamada
ley del patronato, número , deja en manos del poder discrecional
de los jueces las medidas a tomar con menores de edad a los que se considere
en riesgo moral o material. Desde esta concepción, un número
muy importante de niños y jóvenes, tanto víctimas
del abandono familiar o de la violencia, como así también
autores de delitos, son puestos bajo la tutela de la justicia, que no diferencia
sus condiciones personales ni sociales y termina albergándolos en
los mismos lugares. Así, la llamada protección integral de
la infancia y adolescencia reúne a víctimas y victimarios
bajo un mismo techo. Con el supuesto de educarlos y protegerlos, se los
hacina en sitios que no se diferencian demasiado de un sistema carcelario.
Se prescinde del derecho a su propia defensa en virtud de la ley de inimputabilidad
que sólo tiene en cuenta la edad y que de hecho polariza las discusiones
entre legisladores, juristas, mass media y expertos en psicología.
Crece la convicción popular en el castigo ejemplar, desconociendo
que en otros países ha fracasado la reducción de la edad
de imputabilidad como método preventivo de delitos. El proceso de
revictimización tiene así su circuito asegurado, generando
no sólo nuevas víctimas del sistema de violencia social,
sino nuevos actores. En la medida en que sólo es posible reducir
el delito cometido por niños y jóvenes con políticas
públicas que los inserten en la sociedad restituyéndoles
su valor de sujetos y de ciudadanos, el manejo político se torna
hipócrita y el supuesto "cuidado de la infancia" se convierte en
represión que ha costado la vida a muchos jóvenes en las
comisarías y en las calles.
El
tercer punto: violencia emocional cuando no se escucha y valora la palabra
de un niño como portadora de una verdad.
La CIDN introduce modificaciones importantes en las prácticas sociales y jurídicas. Pero debemos estar advertidos acerca de la ambigüedad de ciertos postulados.
Si bien es cierto que se considera desde una perspectiva garantista al niño como sujeto de derecho y no como mero objeto de la protección discrecional del estado, hay una serie de problemas insoslayables:
1.- ¿Quién y desde qué perspectiva, determina cuál es el " interés superior" del niño?
2.- ¿Qué es considerado el " bien" del niño?
3.- ¿Cuáles son los instrumentos que se le brindan a este pequeño sujeto para que exprese su deseo?
4.- Como sujeto de derecho, ¿qué medios se le garantizan para acceder a este derecho?
5.- ¿Qué hacer cuando el deseo del niño no coincide con el supuesto interés superior, cuando el ideal de bienestar social se opone a la elección personal de un sujeto pequeño?
6. -¿Qué valor de verdad se le otorga a la palabra del niño?
Para ilustrar el modo en que a veces se escucha a un niño y las consecuencias indeseables de una postura protectora al extremo, transcribimos aquí un caso clínico que me fue presentado en el espacio de supervisión docente de un hospital psiquiátrico infanto juvenil.
Si bien la historia
de este niño se desarrolló con anterioridad a la sanción
de la nueva ley de adopción, ingresó al hospital en l996,
momento en que en nuestro país ya estaba incorporada a nuestra constitución,
la CIDN.
El
caso clinico:
Alberto, de 15 años, fue adoptado a los 7 años y 9 meses junto a sus dos hermanos de 6, y 4 años respectivamente. Se encontraban desde hacía dos años en un instituto de menores al que ingresaron en un estado de desnutrición. Se carece de datos anteriores al ingreso al instituto de menores. Alberto es el único que manifiesta no querer ser adoptado y pide volver al instituto.
Son dados en adopción plena y se les cambian tanto sus nombres propios como sus apellidos.
Los trastornos de conducta de Alberto comienzan inmediatamente: robos reiterados, hacer fuego en el patio, mentir, fugarse del hogar. Durante siete años, es decir desde los ocho hasta el momento de la internación, se realizan diferentes abordajes psicoterapéuticos solicitados por los padres adoptivos. Finalmente después de una fuga de tres días y dos noches, un juzgado decide internarlo a propuesta de los padres.
La historia que cuentan los padres es que Alberto efectivamente se negó desde el primer día a ser adoptado. Roba todo, desde aspirinas hasta comida de la heladera, recuerdos de familia y dinero, prende fuego y no puede detenerse. Ellos querían adoptar tres varones, sabían que existe una hermanita que al momento de la adopción era un bebé. Conocen el domicilio de los padres biológicos y también saben donde vive la hermanita. Nunca hablaron de esto con los niños, les han transmitido que su madre era una prostituta y su padre un borracho que debe haber acabado en una zanja. Todos los tratamientos se interrumpieron cuando los terapeutas intentaron abordar la verdad sobre el origen de Alberto. Los padres siempre se negaron y Alberto continuó reclamando por su pasado bajo la forma de las impulsiones y los distintos síntomas que manifestó.
En el hospital, Alberto reiteró las conductas descriptas durante un mes, robar, mentir, fugarse, prender fuego. Finalmente se calmó, pero al darle permisos de salida aparecieron las peleas con sus padres y las acusaciones de robo. Estos decidieron no ir más a visitarlo y nunca llevaron a los hermanitos. Alberto insistió en no querer usar el apellido de sus padres adoptivos y en preferir volver a vivir en un instituto de menores.
Recorto dos expresiones de él: " No quiero hablar de mis padres biológicos. Son unos padres de mierda. No sé si se pueden llamar padres. No existen para mí, no sé que pasó con ellos y no me interesa. De mis padres, los que tengo, no quiero volver a vivir con ellos, nunca quise. Que mis hermanos se queden con ellos, se acostumbraron, yo no. Dígale al juez que no quiero volver con esa familia. Que me busque un hogar para chicos de la calle."
Así se
hizo.
COMENTARIO
En su negativa ante la adopción Alberto afirma una posición. Primero, es el hijo de " sus padres de mierda", y esto él esta dispuesto a defenderlo. Para sostenerlo, es indispensable no ser hijo de otros. En segundo término, y para reafirmar su filiación constitutiva, (no por biológica, ni por la cualidad de la misma, sino por la categoría de verdadera, de genuina que tiene para él), quiere ser un chico de la calle. Vivir en el anonimato de una institución de menores es la única forma de retener el nombre que le dieron sus padres.
En sus actuaciones e impulsiones, Alberto parece revelar algunos de los significantes que constituyeron sus primeras marcas. Sus padres le fueron presentados como seres antisociales y de la calle: la madre prostituta el padre borracho. Él roba, incendia, miente y se fuga. Nuevamente, sostiene mediante los rasgos de identificación presentes en sus síntomas, el vínculo con su origen, única filiación reconocida. No hubo posibilidad para él, tal vez la haya habido para sus hermanitos, de integrar en una nueva novela familiar sus marcas constitutivas. Alberto no pudo ser " plenamente adoptado", pues se le exigió en el ocultamiento de sus orígenes una renuncia a la cual él no a la cual él no estaba dispuesto. Adoptarlo plenamente, no en el sentido jurídico, hubiese implicado acogerlo con todos los significantes que ya traía consigo. Alberto no pudo construir una nueva historia en sus tratamientos pues hay un DERECHO que coincide con su DESEO que nadie quiso escuchar.
El camino que le queda frente a esta sordera es reafirmar su historial sociopático a través de sus actuaciones. Estas, a su vez, parecen conducirlo hacia la delincuencia. Tal vez la legitimación de su deseo, en el cruce exacto que tenia con su derecho, hubiera podido poner un freno a la carrera psiquiátrica y judicial de este adolescente. No obstante no poseemos más datos acerca de la evolución posterior a la externación.
La adopción y el bien comun:
Alberto
reclamó que se le reconociera su estatuto de sujeto frente a su
historia. A través de estos reclamos, denunció que su deseo
no coincidía con lo que se entiende por bien común, por el
bienestar que formaría parte del interés superior del niño.
Seguramente la adopción fue pensada como el bien común. La
elección social es clara, entre vivir en la calle, en una institución
para menores, o tener una familia, se elige una familia. Pero en el modo
en que esto se llevó a cabo, pretendiendo borrar a sus padres biológicos
y de ese modo erradicar su pasado antisocial se desconoció el valor
que esto tenia para Alberto y, se lo condenó a la búsqueda
de su " propio mal".
Ser
un chico de la calle:
Esta parece ser la única condición de existencia para Alberto. Si renuncia, desaparece como sujeto.
Estas son algunas
de las formas que la crisis social toma, pérdida de la justicia,
pérdida de la dignidad, deterioro del sentimiento moral y revictimización
de las víctimas. En el campo particular del trabajo con niños
y adolescentes judicializados, el círculo se cierra sobre sí
mismo alejando a los sujetos tanto de sus derechos como de las vías
indispensables para llevar adelante su deseo.
Bibliografía:
Pierre Legendre. "Le Palais de la Justice" en Recherches numero 40, Juges et Procureurs. Paris. Marzo 1980.
Jacques Lacan. "El Reverso del Psicoanálisis" en El Seminario numero 17. Editorial Paidos. Buenos Aires 1975.
(4) (5) Sigmund Freud. "El Malestar en la Cultura" en Obras Completas. Editorial Biblioteca Nueva. Tomo III. 1973.
(6) (7) Jacques
Lacan. "Dos notos sobre el niño". Intervenciones y textos 2. Editorial
Manantial 1988.
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