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INTRODUCTION
Martín Reca
15 mai 2003









 

En décembre 2001, l’Argentine subissait une nouvelle crise économique, sociale et politique de grande envergure.

Comme toute autre crise, elle représentait l’éclosion d’un malaise grandissant dû à un processus de transformations qui se déroulait depuis quelques années, et, comme toute crise, sa prévisibilité n’a pas réussi à atténuer l’impact traumatique lors de son émergence.

A ce nouvel évènement social, de caractéristiques bien particulières (que l’on rappellera tout au long de cet après-midi), impliquant la responsabilité de l’état et mettant la population en position d’otage, a suivi une révolte populaire sans précédents instaurant un nouveau rapport entre la politique-les politiciens et la population générale. 

Mais, le sujet qui nous convoque aujourd’hui émane du fait que cette crise s’est vue accompagnée du signalement, çà et là, de l’accroissement de souffrances psychiques de gravité suffisante relevant de différents types de prise en charge.

L’influence du social sur la psychologie individuelle est indiscutable.

Il est évident également que la délimitation du pathologique n’est pas seulement un problème d’endogénèse, mais qu’elle relève aussi de son interaction avec des constructions sociales et culturelles.

En cas de crises dans la société, l’émergence de phénomènes psychopathologiques est facilement repérée par les médias et par l’opinion publique et les liens de causalité sont assez facilement inférés par le citoyen et, souvent, revendiqués par différents secteurs de la population locale ou étrangère.

Personne n’oserait mettre en doute -innocemment- l’apparition de telles réalités.

Cependant, dans le cercle plus restreint de la logique scientifique la mise en rapport de ces deux termes : « crise sociale » et « psychopathologie » est d’une extrême complexité, et il semble acquis que le processus de causalité ne saurait être linéaire, si l’on évite les tentations doctrinales et si l’on évite aussi de succomber -par empathie sociale et besoin moral d’engagement- à l’impossibilité de se démarquer de l’opinion médiatisée et de celle dictée par le sens commun.

Cet après-midi, il nous reviendra sans doute la dure tâche de préciser ce que de ces manifestations de détresse et de souffrance psychique nous retiendrons comme des indicateurs de pathologie psychologique.

A ces obstacles viendra s’ajouter une autre difficulté, celle de la diversité des champs concernés par l’étude des dynamiques collectives et individuelles. La compréhension de la souffrance psychique n’est pas, bien évidemment, l’apanage du psychopathologue et plusieurs disciplines ont leur pertinence sur la question.

Elles se partageront deux grands courants de recherche : le premier cherche à savoir s’il existe des aspects particuliers des événements et des conditions de vie qui seraient, en tant que seuils qualitatifs et quantitatifs de tolérance, des déclencheurs spécifiques de « décompensations » psychopathologiques ; l’autre grand courant cherche à expliquer des telles conjoncture psycho- et socio-pathologiques par leur sens historique et surdéterminé propre à chaque peuple.

Puis, à peine sortis de ces écueils épistémologiques, on glisse dans un autre terrain non moins complexe qui est celui de l’éthique de l’observateur quand il est impliqué dans le thérapeutique tout en subissant la crise, au même titre que son patient. Quel rôle lui revient ? Depuis le lit d’hôpital jusqu’au divan du cabinet, comment accueillir les données de cet extérieur partagé dans le discours subjectif de celui désigné comme étant le souffrant ? Comment écouter la douleur de l’autre quand, endoloris nous-mêmes, il est surtout question de la douleur collective d’un pays malade ?

Dans ce contexte de catastrophe sociale, ce n’est plus le pathologique qui serait à délimiter mais aussi la notion de normal. Qu’est-ce donc la santé psychique ? Une résignation réussie, le masque indolent du pire des cynismes ou la naturalité devenue presque obscène des personnes qui restent, malgré tout, étonnement saines?

Cet après-midi, sous les auspices de la Fondation Argentine de la Cité Universitaire et de l’Ambassade, l’exemple illustratif semble être la situation vécue en Argentine … mais, de toute évidence, ces questions dépassent largement ces frontières. C’est la raison pour laquelle l’Association Franco-argentine de psychiatrie et de Santé mentale a souhaité organiser cette rencontre conjointement avec le Cercle d’Etudes Psychiatriques Henri Ey pour favoriser une réflexion comparative dans des espaces géographiques et historiques différents.