Les textes reproduits ici ont été publiés dans Erasme Magazine et retracent l'évolution du projet de jumelage entre l'Etablissement Public de Santé Erasme, Antony, France, et l'établissement Colonia Montes de Oca, Province de Buenos Aires, Argentine, avec l'impliquation des membres de l'Association franco-argentine de psychiatrie et santé mentale.
  

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Erasme Mag Sept 2003

Vers un jumelage franco argentin !

Nous avons une bonne nouvelle qui accompagne la rentrée 2003-2004. Dans le cadre d’un projet d’échange et coopération avec un établissement public de santé en Argentine, nous envisageons dans un court délai la mise en place d’un contrat de jumelage avec un hôpital psychiatrique de la ville de Buenos Aires dès que nos instances auront donné leur feu vert.

Plusieurs d’entre vous ont déjà été informés de cette perspective, d’aucuns ont collaboré activement dans les premières actions. Cette information permettra aux autres d’apprendre que ce jumelage concerne l’ensemble du personnel de l’hôpital Erasme.

L’objectif : un échange de pratiques et une réflexion partagée avec des collègues qui comme nous, travaillent dans le cadre de la Santé Mentale.

Les moyens :

  • nous souhaitons que des stages sur notre hôpital soient organisés pour des collègues argentins et réciproquement.
  • nous envisageons l’organisation d’un colloque à Buenos Aires ( le thème reste à préciser ).
  • et un programme de coopération qui reste à définir mais qui se veux réaliste et solidaire.
  • Nous connaissons la difficile situation d’émergence sanitaire qui touche actuellement de plein fouet l’Argentine, une politique de coopération nous semble un élément nécessaire dans l’ensemble du projet.

    Nous vous invitons à participer activement au projet de jumelage, nous souhaitons nous constituer en Comité de Pilotage du Jumelage et nous avons besoin de l’intérêt que vous pouvez porter à cette initiative.

    A cette occasion, nous vous proposons de répondre au questionnaire suivant :

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    Erasme Mag Dec 2003

    Projet Argentine : ça continue !

    Nous voulons tout d’abord réparer un oubli.

    Dans la liste des personnes composant le Comité de Soutien à l’Argentine, Laurence Bénard, notre Pharmacienne ne figurait pas. C’est d’autant plus ennuyeux qu’elle a été la première à être sensibilisée au problème argentin et a collaboré activement à la campagne faite autour d’une collecte de médicaments ( programme AID-AR organisé par une ONG – le centre argentin en France- ). A cette occasion, nous avons pu réunir 4 tonnes de médicaments.

    Sachez que, dans le cadre de notre projet de jumelage, il est prévu une « Conférence de sensibilisation traitant de la coopération sanitaire inter hospitalière ». Elle sera donnée par Elizabeth Antunes de l’ACODESS ( Association pour la Coopération et le Développement des Structures Sanitaires ). Elle aura lieu à Erasme dans le courant du mois de mars 2004.

    Les réponses au questionnaire paru dans Erasme magazine n°5 ont permis de constater que les personnes souhaitant participer à un stage linguistique d’espagnol sont en nombre suffisant et que le principe en a été retenu. Nous en saurons bientôt plus.

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    Erasme Mag Mars 2004

    Brève : Projet Argentine ( suite )

    Rosana D’Ambra, la présidente de notre Comité franco-argentin était en Argentine au début de l’année. Elle a pu rencontrer de nombreuses personnalités sur place et rapporter des très bonnes nouvelles. Sachez que le projet est en bonne voie. Des contacts vont être pris avec nos tutelles pour entériner un certain nombre de propositions.

    Membres du Comité, plus que jamais, tenons nous prêts !

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    Erasme Mag Déc 2004

    BREVE Projet Argentine

    Rosana D’Ambra, la présidente de notre comité franco-argentin continue activement son travail. A l’occasion d’un nouveau déplacement en Argentine cet été, elle a pris d’autres contacts. Une délégation argentine de 3 personnes dont le vice-ministre argentin de la Santé viendra visiter notre établissement et travailler avec nos équipes durant la période du 31 janvier au 9 février 2005. De nombreux thèmes seront abordés, notamment enfance et adolescence, accueil et urgences, extra hospitalier, hospitalisation, formation des personnels de soins, famille de patients….

    Tous les membres du comité sauront, bien sûr, se rendre disponibles.

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    Erasme Mag Mars 2005

    PARTENARIAT FRANCO ARGENTIN

    Comme vous le savez tous, une délégation franco argentine nous a rendu visite à Erasme entre le 31 janvier et le 9 février dernier. Cette visite, venant après de multiples contacts à distance et des déplacements en Argentine de Rosana d’Ambra, la présidente de notre comité franco argentin, était le premier échange en direct entre les deux parties.

    La délégation argentine était composée du Dr Antonio Di Nanno, du ministère argentin de la santé, spécialiste en santé mentale, et de Jorge Rossetto, directeur de l’hôpital national « Colonia Montes de Oca », grand hôpital psychiatrique public du « grand Buenos Aires ». Nous leur avions préparé un programme chargé de travail, entrecoupé de temps de détente, traitant les sujets qu’ils avaient souhaités et en proposant d’autres.

    Arrivés à Orly le lundi 31 janvier au matin, ils furent accueillis en fin de matinée (après une heure de repos) par plusieurs membres du comité franco argentin accompagnant des médecins, des soignants et des représentants de l’administration autour de Mme Ferrand. M. Forgeais et son équipe avaient agrémenté l’accueil de champagne et d’amuse-bouches. Plus tard dans l’après-midi, ils nous présentèrent au moyen de vidéos l’état d’avancement de la psychiatrie en Argentine en général et de la Colonia Montes de Oca en particulier. Le Dr Pascal et le Dr Agnès Metton, respectivement vice président et présidente de la CME, présentèrent la psychiatrie française de ces dernières décennies.

    Le mardi matin, ils furent reçus à l’Aubier par le Dr Le Nestour et son équipe pour parler de la pédo psychiatrie, suivi d’un déjeuner. L’après-midi, à la clinique pour adolescents Dupré de Sceaux, c’est le Dr Botbol qui nous accueillit et présenta son établissement.

    Le mercredi commença avec Mme Courtine et Mme Renaux qui présentèrent l’aspect qualité à nos amis argentins. Il fut ensuite question des urgences, le Dr Klein parla de la place de l’UIA à Erasme. Puis ce fut au tour du Dr J.P. Metton d’aborder le rôle des urgences psychiatriques de Béclère. Après le déjeuner, M. Sansano se joignit à nous pour les accompagner à l’U.M.D. Henri Colin de Villejuif. Le Dr Kottler leur présenta cette unité si particulière et qui attira toute leur attention.

    Le jeudi commença par la visite de Jean Wier, où le Dr Reca leur présenta le C.M.P. et l’hôpital de jour, suivi d’un déjeuner. L’après-midi, Mme Ferrand nous conduisit à la Fédération hospitalière de France où nous fûmes reçus par M. Pascal Garel pour aborder les différents aspects de la notion de partenariat.

    Le vendredi, nos amis argentins visitèrent le site central Guillebaud conduits par Mme Galiana. Un arrêt fut effectué en Psy.G. secteur 20 auprès de Mme le Dr Metton et de ses équipes médicale et soignante. Ce fut ensuite le tour de l’ergothérapie avec Bénédicte, puis, après déjeuner, l’UIR, autour du Dr Menendez et de ses équipes. L’après-midi se termina autour de Mme Ferrand pour une 1ère séance de mise en forme du projet de partenariat.

    La semaine de travail s’acheva par une soirée sud ouest dans un restaurant parisien, dans une bonne humeur générale qui augurait bien de la suite des évènements. Le week-end, nos amis argentins, conduits par Rosana, profitèrent de paris et de certains de ses environs. Le dimanche soir, ils furent invités chez Mme le Dr Le Nestour resserrant les liens toujours plus.

    Le lundi suivant, le Dr Chapireau aborda avec eux les aspects DIM, statistiques ministérielles et visiteur expert. Ce fut ensuite Mme le Dr Bénard qui leur parla de l’utilisation rationnelle des médicaments. Après le déjeuner, nous prîmes le chemin de Maison Blanche, un hôpital allié, où nous fûmes accueillis par Mme Nicole Pruniaux, directrice et M. le Dr Norbert Skurnik, président de la CME., ainsi que par M. Pena, responsable informatique, qui nous présenta le groupe Maison Blanche. Il nous conduisit ensuite dans un des centres parisiens, remarquablement situé et qui impressionna nos amis argentins. Ceux-ci prolongèrent la soirée chez Rosana pour leur plus grand plaisir.

    Le lendemain, mardi, Mme Salvat, directrice des soins, accompagnée de Mme Quétier traita de la formation des personnels de soins. Puis M. Briard, de l’UNAFAM, aborda toutes les questions concernant les rapports avec les familles. Après déjeuner, nous abordâmes la 2ème partie de la mise en forme du projet de partenariat.

    Enfin, le mercredi matin, j’accompagnai Jorge Rossetto au C.A.T. de Chagrenon, à sa demande, visiter ce centre national, remarquablement géré et qui a donné des idées supplémentaires pour l’Argentine.

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    Mme Ferrand remercia personnellement ceux qui s’étaient particulièrement rendus disponibles et qui avaient permis à nos collègues argentins de repartir satisfaits de leur séjour, enrichis d’idées nouvelles et de réponses à leurs interrogations. Nous avons reçu beaucoup de leur part. Nous allons poursuivre nos efforts de préparation pour la réussite du projet commun de partenariat, projet inédit dans le domaine de la psychiatrie entre nos deux pays.

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    Extrait de la convention de partenariat international :

    Les deux établissements s’engagent à échanger des professionnels pour de courtes périodes afin de participer à des colloques, séminaires, symposiums, et d’y assurer des communications scientifiques.

    Les deux établissements s’engagent également à coopérer par l’échange régulier de professionnels selon les modalités suivantes : 6 professionnels accueillis par an en 2 sessions, mars avril et septembre octobre pour l’accueil en France, mai juin et octobre novembre pour l’accueil en Argentine.

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    Erasme Mag Juin 2005

    Jumelage franco-argentin.

    Une fois de plus, je me suis trouvée devant la nécessité de faire le grand saut : franchir l’Atlantique, destination Buenos Aires. Ceci m’a donné l’opportunité de rencontrer les amis argentins qui nous ont visité en début d’année : Le Dr Jorge Rossetto, Directeur de la Colonia Montes de Oca et le Dr Antonio Di Nanno, Directeur de Santé Mentale au Ministère de la Santé à Buenos Aires.

    J’ai eu la bonne surprise d’apprendre que nos collègues argentins, pensant à l’échange scientifique fixé par ce jumelage préparent déjà un volume qui sera publié par le Ministère de Santé où ils présentent les différents modèles de santé publique en Argentine, en France, en Italie et aux Etats-Unis.

    « La politique de secteur », si chère à nos yeux, est désormais une politique de Santé de référence pour nos collègues argentins et ce, sans doute, grâce à tous les échanges fructueux que nous avons eu lors de leur visite à Erasme!

    Invitée à une journée d’évaluation, j’ai pu constater toutes les améliorations que notre hôpital frère a connu depuis la prise de fonctions du nouveau Directeur. Ceci fut l’occasion de présenter le projet de coopération sanitaire franco-argentin au personnel de l’hôpital et de rencontrer une délégation italienne avec laquelle la Colonia établit un lien de jumelage. Nous avons rencontré les représentants pour l’Italie : le Dr Armando Bauleo, Directeur de L’Ecole de Psychanalyse Sociale de Florence et le Dr. Marta Debrasi, psychanalyste à Venise et députée en Argentine. Mais la plus grande surprise fut pour nous de constater que cette convention de jumelage franco-argentin nous rapprochera en même temps de nos collègues italiens via l’Argentine. Décidément dès qu’on franchit l’Atlantique on s’aperçoit à quel point le monde peut tenir dans une poignée de mains !

    Rosana D’Ambra
    Présidente du Comité de Jumelage franco-argentin
    Psychologue au Secteur 20

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    Erasme Mag Avril 2006

    DE RETOUR DE SAN LUIS (ARGENTINE)

    On démantèle ici ce qui se construit là-bas ; on démantèle là-bas ce qui manque ici.

    La psychiatrie est autant une branche médicale qu’un exercice impliquant des sciences humaines et sociales. C’est sa richesse … mais aussi son malheur. Il en résulte une « mouvance » parfois capricieuse de ses appareils conceptuels sous l’emprise des discours de masse qui tirent tantôt d’un côté, tantôt de l’autre. Face à une fracture du tibia on pourra remplacer le plâtre par un nouveau matériel synthétique, mais personne ne remettra sérieusement en question le besoin impérieux d’un temps d’immobilisation. Pour la psychose, par exemple, ce qui est fondamental pour les uns ne le sera pas forcément pour les autres …

    Conscients des intérêts mobilisés par ces positions et sans tomber dans le cynisme, on en vient à se demander –non sans angoisse- si le « construct » psychiatrique n’a pas toujours été gouverné par des besoins médico-économiques. Si tel est le cas, les illusions de connaissance en prennent un sérieux coup et nos engagements éthiques dévoilent dramatiquement leur naïveté.

    Cette « dépendance » de la psychiatrie au culturel et au social et à la précarité du temps qui passe, banale au fond si l’on réfléchit avec une perspective historique, devient une évidence flagrante dès que l’on voyage et que l’on se confronte aux différents modèles de santé mentale que les pays et les régions du monde développent en même temps.

    Le congrès institutionnel et d’organisation de soins que la Province de San Luis (Argentine) a organisé en décembre dernier avait pour objectif de soutenir par le biais d’une évaluation à charge des différents exposés le plan de désinstitutionalisation que les autorités sanitaires de cette province reculée mènent énergiquement. La modernisation de l’ancien asile psychiatrique, la réduction du temps d’hospitalisation, la fermeture de lits, l’ouverture de centres de suivis ambulatoires, le déploiement des efforts de réhabilitation des patients et de réinsertion sociale évoquaient facilement les temps de la création du secteur ; la puissance d’une telle entreprise rappelait aisément la force du mouvement antipsychiatrique des années 60-70.

    « Ne jetez pas le bébé avec l’eau du bain » semblait être mon message, en porte parole de l’expérience française, en voulant rappeler les bonnes indications pour des hospitalisations à temps plein (actuellement niées) et la nécessité, évidente avec notre recul, de séjours hospitaliers plus ou moins conséquents. « Pensez aux laissés pour compte du plan de desaliénisation » fut en gros mon second message, en rappelant les situations pathologiques qui ne bénéficient pas forcément de la psychiatrie dans la communauté et ayant à l’esprit le manque désespérant de structures d’accueil et de lieux de vie sur le territoire national pour des patients en ayant indiscutablement besoin.

    Ces deux propositions de débat ont eu du mal à passer dans un auditoire exalté par les valeurs ennoblies de la « révolution ». Pourtant, l’effort pour échanger avec moi fut grand étant donné que je venais de France, pays de l’intelligentsia et du savoir-vivre encore admiré en Argentine. Cependant, ici comme là-bas, dans des discours radicalement opposés dans leur apparence, l’idéologie dominante finit par l’emporter sur les échanges plus « scientifiques » (ou simplement de bonne foi). J’ai cru mieux comprendre ce que certains de mes collègues français qui furent témoins (sinon acteurs) des premiers temps de la sectorisation reprochent à ce mouvement; à savoir, son caractère trop idéologique, trop attaché à une politique bien précise et cet « aveuglement illuminé » qui aurait empêché la France de se doter de centres pôles et de structures d’accueil nationales pour personnes handicapées. Mais, des reproches de ce genre pourraient tout aussi bien se faire pour la politique actuelle de la psychiatrie en France qui cherche à annuler la pertinence des fondements du secteur et des thérapies institutionnelles. On dirait que les changements ne peuvent se faire sans ce climat d’emballement et de « remplacement » des modèles.

    Vu l’accord de jumelage qui existe entre notre établissement et un hôpital argentin, j’essayais de réfléchir aux échanges possibles : les temps ne sont pas les mêmes, les contextes sociaux et les idéologies non plus … En plus, pour accroître le sentiment de perplexité, ils semblent démanteler ce qui nous manque tant ici et construire là-bas ce qu’on décrie ici ! Ne pourrions-nous pas y voir notre véritable point d’échanges ?

    La transformation menée à San Luis, exemplaire par certains aspects (elle s’accompagne d’une politique sociale globale de lutte contre l’exclusion Trabajo para todos  et Techos para todos) commet sans doute les mêmes excès que la sectorisation en France … mais quel bouillon d’initiatives et de créativité ! J’ai été jaloux de voir cette énergie solidaire qui régnait chez tous les agents locaux (médecins, infirmiers, psychologues, éducateurs, moniteurs, dirigeants politiques et gouvernementaux). La « démarche qualité », avec ses objectifs indiscutablement bons, mais aussi avec la lourdeur bureaucratique qui l’accompagne avec arrogance et impudeur, ne semble pas déclencher des mouvements solidaires mais plutôt des réactions d’individualisme avec un plus grand repli défensif (d’idéalisme schizoïde ou de déception paranoïaque) ou de déprime générale. A moins qu’il y ait des plus jeunes que moi qui puissent se réjouir de ce présent transformateur.

    A eux, que je n’ai pas encore rencontrés, je prie de me le faire savoir en s’adressant à cette rédaction. A vos plumes ! S’il vous plaît, faites-moi savoir –gentiment- que je suis « down » et qu’il n’y a rien de désespérant. Si je n’ai pas de réponses, je saurai que les échanges avec l’Argentine (ou d’autres pays du sud) ont quelque chose de très important à nous apporter et que, pour cette raison et pour d’autres à découvrir encore, ils sont à encourager.

    Martín Reca

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    Erasme Mag Juillet 2006

    MISSION ARGENTINE du 12 au 29 mai 2006

    Dans le cadre de la convention internationale de jumelage EPS Erasme - Colonia Montes de Oca, une délégation d’Erasme a été missionnée en Argentine pour faire un état des lieux et étudier la mise en œuvre de modalités de travail et d’échanges lors des voyages Argentine France et France Argentine à venir.

    Un groupe de six « missionnaires », composé de Claude Courtine-Martin, Directeur Adjoint, Brigitte Galiana, Cadre Supérieur de Santé, Marie-José Delsahut, Cadre de Santé, Anne-Marie Doret, Coordinatrice de l’Inter secteur 7, Ramon Menendez, Praticien Hospitalier et Claude Bornerie, Chargé de Communication, s’est donc envolé le 12 mai dernier à destination de Buenos Aires.

    Accueillie aussi chaleureusement que prévu par Jorge Rossetto, Dr de la Colonia Montes de Oca et par Antonio Di Nanno, Coordinateur de la Santé Mentale au ministère de la santé, la délégation a été logée dans un bâtiment de la Confédération de la Santé Mentale où deux (petits) appartements nous étaient réservés (un pour les 4 dames, un pour les 2 messieurs). Nous y sommes restés durant tout le séjour à l’exception des trois jours passés à San Luis.

    Généralités.

    L’Argentine c’est 5 fois la France
    La ville de Buenos Aires c’est 2.800.000 d’habitants pour 200 km²
    La province de Buenos Aires c’est 14 millions d’habitants pour 307.000 km²
    Dans la ville de Buenos Aires il y a :
    - 4 hôpitaux psychiatriques : un pour les hommes, un pour les femmes, un pour les enfants et l’hôpital Alvear dont nous reparlerons.
    - 32 hôpitaux généraux.

    En Argentine chaque « internacion » (c’est le mot espagnol qui signifie « internement ») fait l’objet d’une décision de juge. Même si l’hospitalisation est volontaire, le juge doit être informé, idem pour la sortie. La province de Buenos Aires bénéficie d’une loi différente : c’est après l’hospitalisation que le juge est averti. Les modalités d’hospitalisation en Argentine sont complexes et nécessitent des précisions. Il n’y a pas de mixité dans les pavillons et ils sont très surpris d’apprendre qu’elle existe chez nous. L’avortement n’est pas autorisé, sauf cas exceptionnel (risque vital pour la mère...).

    Nous avons noté une différence marquée entre les locaux du public et ceux du privé. Les locaux des établissements publics sont très vétustes (peu de moyens). Ils reçoivent essentiellement une population en grande précarité. Concernant les différentes catégories de personnels : très peu d’infirmières diplômées et beaucoup de psychologues dont les fonctions sont diverses.

    En dehors du temps passé à La Colonia Montes de Oca :

  • Nous avons été reçus à deux reprises par des personnalités du ministère de la Santé :
  • Carlos Alberto Vizzotti, sous secrétaire des Relations Sanitaires et de la Recherche en santé, au début du séjour. Informé du jumelage car il avait déjà rencontré Rosana D’Ambra, psychologue a Erasme. Il nous a appris qu’un accord de coopération est sur le point d’être signé avec le Ministère de la Santé en France.

    Claudia Viviana Madies, sous secrétaire de la politique, régulation et fiscalisation du Ministère de la Santé et de l’environnement, en fin de séjour. Elle s’est montrée très enthousiaste avec le projet de jumelage et souhaite connaître mieux les programmes de formation des infirmiers en France.

    Le ministère met en place une politique de prévention, promotion et détection précoce. Il souhaite faire de la prévention mère/enfant une priorité. Le travail en périnatalité l’intéresse.

    - Nous avons visité plusieurs autres établissements psychiatriques

    * L’hôpital Alvear (le 4ème « psy » de la ville de Buenos Aires) : 86 lits dont 16 d’urgence, 30 de femmes, 20 d’hommes et 20 d’adolescents (14-21 ans). Il s’agit de l’établissement avec lequel nous devions initialement être jumelé.
    * Centre de réhabilitation (Dr Uben Laterza) - Expérience d’une structure privée d’alternative à l’hospitalisation.
    * Centre de consultations ambulatoires à Moreno (Dr M. Gutman). Ce centre est installé dans les locaux désaffectés d’un hôpital général. Sur la commune même de Moreno, population très pauvre de 500.000 habitants (dont 50% de moins de 21 ans).
    * L’hôpital inter zonal Domingo Cabred. Cet établissement, vieux d’une centaine d’années, est installé sur un domaine de 600 hectares et accueille 1200 patients hospitalisés. Les 2/3 des pavillons sont en travaux d’humanisation.
    * L’hôpital Ecole de Santé Mentale de San Luis, 170.000 habitants, situé à 800 Km de Buenos Aires, où se tenait un colloque de 3 jours intitulé : « Les droits de l’homme comme axe du processus de transformation institutionnelle ». ce colloque se tenait en espagnol, mais heureusement Ramon était là.

    La Colonia Nacional Dr Manuel Montes de Oca

    La Colonia Nacional Dr Manuel Montes de Oca fut créée en 1908 (1ères pierres posées par le Dr Domingo Cabred) et inaugurée le 31 juillet 1915, avec 30 malades. C’est un ensemble de pavillons, 23 au total dont 13 unités d’hospitalisation situé sur une propriété de 277 hectares. Actuellement, il y a environ 1.000 patients qui présentent des pathologies graves : 80% d’oligophrènes, 20% de psychotiques.

    La Colonia est un établissement national recevant des patients qui viennent de tout le pays (distance pouvant aller jusqu’à 3500 Km). La Colonia est située à 70 km de Buenos Aires. Le trajet que nous faisions en minibus matin et soir représentait 1 h de trajet.

    Nous avons rendu visite et rencontré les équipes de la quasi totalité des pavillons d’hospitalisation et les autres services (pharmacie, statistiques, clinique somatique, maison des professionnels, service social, service juridique, administration, hôpital de jour, service de génétique). D’une façon générale, les locaux sont vétustes mais propres.

    La configuration des pavillons est pratiquement toujours la même : des dortoirs pour 25 à 50 patients, un réfectoire, une salle d’activité, des sanitaires collectifs d’une extrême sobriété et en petit nombre par rapport à la quantité de patients par étage (au moins 50). Malgré la lourdeur des pathologies, l’ambiance est très bonne. Les patients portent tous la tenue de l’établissement. Ils sont traités dignement.

    A la demande de l’ensemble des professionnels présents à la réunion de clôture de la mission nous avons fait part de nos impressions à la suite de ces nombreuses visites :

    * Nous avons insisté sur l’accueil chaleureux que nous avons trouvé dans tous les services où nous sommes allés
    * Nous avons insisté sur la qualité des professionnels rencontrés, qui, bien que travaillant dans des conditions difficiles, montrent un grand intérêt, un enthousiasme et une créativité importante.
    * Nous avons aussi pu leur faire part de la nécessité de conduire un important travail de réhabilitation des bâtiments, mais aussi une réflexion sur l’organisation même des locaux.
    * Nous avons souligné les réalisations en cours du projet global de réhabilitation de la Colonia, et l’originalité de certains actions ou projets (notamment en ce qui concerne les durées de séjours prédéterminés, le travail auprès des familles)
    * Nous avons, d’une façon générale, abordé la question de la législation (placements par le juge), la mise en œuvre d’une politique de secteur, la place de la psychiatrie.

    Des points de discussions ont été abordés avec eux

    - Rédaction d’un rapport de la mission par les missionnaires d’Erasme.
    - Le service juridique de la Colonia souhaite réaliser en interne un acte administratif formel pour donner plus de force à notre projet commun.
    - Désigner dans chaque hôpital un groupe de coordination et un porte-parole pour faciliter les échanges et assurer la continuité.
    - Etablir des priorités en fonction des intérêts des institutions et des intérêts professionnels des personnes qui forment les délégations.
    - La délégation argentine qui viendra en automne s’est engagée à affiner rapidement ses demandes et les questions qu’elle souhaite travailler, pour pouvoir établir un agenda adéquat.
    - Développer l’apprentissage des langues (espagnol et français) indispensable pour rendre la communication utile et agréable.
     

    Points évoqués à développer lors des voyages à venir:

    * Gestion et micro gestion (Globale et plus spécifique, pharmacie par ex).
    * Organisation du travail dans les unités de soins (Management, mixité, personnel, locaux).
    * Pharmacie (Organisation et travail avec les unités de soins).
    * Echange sur la législation (hospitalisations sous contrainte, respect des libertés individuelles, dossier patient, respect des droits de l’homme et volonté politique).
    * Travail avec les familles (différentes modalités).
    * Réinsertion et réhabilitation.
    * Travail en réseau, Prévention, Sectorisation.
    * Formation continue.

    Nous avons également évoqué la possibilité de faire une rencontre scientifique autour d’un thème susceptible d’intéresser les deux hôpitaux dans les deux prochaines années.

    Conclusion

    Pour l’ensemble de la délégation cette mission a été très intéressante, elle a replongé certains d’entre nous des années en arrière, elle a été assez éprouvante physiquement et à certains moments impressionnante. L’Argentine commence un processus que la France a vécu depuis les années 1960. Le cheminement va être long, pour franchir toutes les étapes de la transformation institutionnelle et mettre en place une politique de développement des structures extra hospitalières et de réseau de soins.

    La Colonia Montes de Oca n’accueille pas les mêmes pathologies que l’EPS Erasme, les modes de fonctionnement et l’organisation des soins sont différents des nôtres. Ceci nous amène à positionner les points communs autour desquels nous pourrons travailler ensemble.

    Il nous paraît indispensable de préparer soigneusement les prochains échanges pour que cette collaboration prenne tout son sens. Les professionnels qui partiront devront être bien préparés, motivés, savoir ce que l’on attend d’eux et dans quelles conditions exactes se déroulera leur séjour. Séjour pour lequel il faudra aussi bien évaluer la durée au regard des missions.

    Dans cette collaboration, nous devrons toujours garder présent à l’esprit l’intérêt que porte le Ministère argentin de la Santé pour tout ce qui concerne la prévention, la promotion et la détection précoce des troubles ainsi que leur intérêt pour le travail en périnatalité et la formation infirmière.

    Le lundi 29 mai, nous atterrissions fatigués mais heureux. Fatigués, parce que souvent sur la brèche, avec des distances kilométriques importantes et, notamment à San Luis, le fait de côtoyer en permanence une autre langue que la langue maternelle. Mais heureux d’avoir côtoyé des soignants travaillant dans des conditions particulièrement difficiles et toujours enthousiastes et dévoués, traitant dignement les patients qu’ils ont en charge. Ces exemples ne peuvent que nous enrichir humainement. Leur accueil fut tel que nous devons fixer la barre très haut pour les recevoir à notre tour. Grands amateurs de la culture française, les Argentins nous ont même remerciés de leur avoir « donné » Carlos Gardel, le mythe du tango, né à Toulouse.

    Merci à Ramon, notre précieux interprète. Merci à Anne Marie qui fut la plume (muse) informatique de nos soirées studieuses. Merci à chaque missionnaire d’avoir su garder vivant l’esprit d’équipe indispensable à la réussite de la mission. CB, avec AMD, CCM, MJD, BG et RM.

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    Erasme Mag Juillet 2006

    Séjour des Argentines à Erasme

    Arrivées d’Argentine le jeudi 5 octobre au soir, nos collègues et amies Karina REBOTTARO (psychologue), Maria José ZAMGIROLAMI (assistante sociale) et Juana MASSONE (cadre de santé) de la Colonia Montès de Oca ont été accueillies à Erasme, comme prévu, le lendemain à midi par notre directrice et une délégation importante du personnel. (Merci à toutes celles et à tous ceux qui se sont déplacés à cette occasion).

    Elles étaient porteuses d’un message de Jorge ROSSETTO, directeur de la Colonia Montes de Oca, « scellant la relation fraternelle entre deux institutions, entre deux pays et, le plus important, la relation d’amitié qui s’est construite, ces dernières années, entre nos équipes et entre nous-mêmes ». Leur programme est chargé. Nous en parlerons largement dans le numéro de décembre d’Erasme magazine.