Cinq expériences inédites dans ma pratique privée avec l’utilisation du téléphone et de la visio-conférence – Martin RECA

Cinq expériences inédites dans ma pratique privée avec l’utilisation du téléphone et de la visio-conférence

1/ Des séances par téléphone (son choix) avec un jeune patient souffrant d’Asperger ont permis d’observer que le lien pouvait changer « d’appui ». Notoire lors des silences, l’appui « visuel » de la relation – essentiellement extérieur-  devenait progressivement un « appui » davantage intérieur. L’exploitation dans ce sens fut source de progrès dans ce traitement.

2/ Des séances par visio-conférences ont fait perdre au cadre habituel de leur « volume ». La spatialité ainsi aplatie a généré des situations régressives d’angoisse mettant en lumière des aspects traumatiques propres à la figurabilité psychique précoce. Il fut intéressant de l’observer dans certains récits de rêves rapportés et dans quelques propos directs de patients souffrant de troubles psychotiques. Des « grosseurs » ou des « maigreurs » inhabituelles (des étendues/rétrécissements, etc.)

3/ Le caractère « virtuel » (sans volume) de la rencontre apparaissait souvent comme un défaut « d’incarnation ».

Cela entraînait une angoisse muette, plus ou moins passagère, de déréalisation. Le corps était doublement absent : Le corps du dehors et le corps de dedans.

4/ Le corps du dehors absent : ni le meurtre ni l’inceste n’étaient donc « possibles ».

Curieusement, l’acting semblait plus sollicité para la situation et plus accessible (ce qui apparaissait comme des « mini-attaques » au cadre ou des imperceptibles transgressions, voire, de francs passages à l’acte). Comme si le surmoi prenait « la chose » plus à la légère. Au début, je l’ai vécu comme un aplatissement du tiers symbolique, une brèche ouverte dans l’imaginaire « à roue libre ». Question bien complexe.

5/ Le corps du dedans (construit au commencement par l’expérience de l’absorption du lait et de l’air) absent : la « figure » (contenant) manquait de contenu. Des paroles dites « sans leur souffle », « sans leur haleine », semblaient se perdre dans un trou, ne pas rencontrer de résonnance.

Cela semblait coïncider avec des réactions entre les séances de « remplissage » oral et d’hyperphagie.

Nota B :

Ces quelques expériences et réflexions « à chaud » concernent l’introduction, dans le cadre interpersonnel habituel de mes consultations, d’un remaniement double et majeur, à savoir, son caractère involontaire et abrupte (par contrainte externe) et le recours à des outils (téléphones, mailing, Skype) d’utilisation déconseillée et non encouragée en temps normal.

J’ai préféré ne pas accepter de nouvelle consultation par ces moyens d’emblée. Les quelques demandes reçues furent aisément reportées à une date prochaine.

Invités récemment à reprendre les séances au cabinet, aucun de mes patients n’a demandé à poursuivre par téléconsultation. Je ne la proposerai pas non plus en cas d’éventuel déplacement géographique.