La Lettre N° 3 – juillet
2003
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: Eduardo Mahieu E.P.S. Erasme - 143, Av A. Guillebaud - Antony
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Au programme pour l'année 2003-2004
* Décembre 2003 : Assemblée générale avec renouvellement du Bureau de l'Association. Date et lieu vous seront communiqués ultérieurement.
* Janvier 2004 : La projection dans un hôpital d'un documentaire sur l'émission de radio "La Colifata",organisée par des patients à l'Hôpital Borda à Buenos Aires.
* La présentation de la traduction en langue française du livre Les fondements de la technique psychanalytique d'Horacio Etchegoyen. Nous espérons, lors de sa parution, organiser un débat avec Daniel Widlocher et Jacques-Alain Miller qui seront les deux préfaciers de la traduction française. La date sera communiquée ultérieurement.
* Juin 2004 : dans le cycle des conférences/débat sur des auteurs argentins une soirée sera consacrée à l'oeuvre de Enrique Racker à la Maison de l'Amérique Latine avec la participation souhaitée de Diana Rabinovich.
* La participation à la traduction en langue espagnole de la Classification française des troubles mentaux des enfants et adolescents (CFTMEA).
* Le développement de notre site internet avec son nouveau nom de domaine :
Désormais on peut consulter les sommaires de la revue "Textos de psiquiatría francesa".
Compte-rendu de la journée sur Crise sociale et psychopathologie à la Fondation Argentine. 15 mai 2003.
Le colloque s’est déroulé dans une ambiance chaleureuse, avec une participation importante malgré les mouvements sociaux du moment. La présence de Monsieur Giannoni, Directeur de la Fondation argentine, et les auspices de l’Ambassade d’Argentine soulignaient le grand intérêt de cette manifestation.
Dans son introduction, Martin Reca a bien situé le problème : lien étroit entre crise socioéconomique et psychopathologie, mais relation complexe et non linéaire. D’ailleurs l’observateur subit, lui aussi, la crise, comme son patient. La “ douleur ” est collective, générale ; dans ces conditions, où se situe la normalité ? Le sens clinique, et aussi l’éthique, sont mis à l’épreuve.
Sylvia de La Jonquière, psychanalyste
à Buenos Aires, partant de Bowlby et des théories de l’attachement,
a développé une longue et passionnante démonstration
sur “ crise sociale et subjectivité
”. Faisant le parallèle avec les conséquences de la coupure
du lien entre la mère et le jeune enfant, elle pose que l’Etat a
abandonné les citoyens, véritable abandon affectif. Mais
cet abandon n’est pas récent même s’il s’est fait ces dernières
années plus visible. Il a existé un véritable état
de sommation au fil de l’histoire du pays et donc une “ sensibilisation
” intergénérationnelle. L’auteur pointe dans la succession
des pouvoirs, militaire, péroniste, dictatorial, radical, ultralibéral,
les maux d’une société de plus en plus inégale, soumise
à l’arbitraire, au clientélisme, au mépris, et gardant
les traces du traumatisme plus ou moins refoulé des disparitions
et de la torture. La bascule dans la pauvreté, l’accès compromis
à l’éducation et à la santé illustrent la rupture
du contrat social. Un Etat sans morale induit aussi bien la violence que
le désespoir.
Insistant sur la question de la délinquance
des jeunes, elle illustre in fine son propos par une observation vécue
d’un enfant adopté à la recherche pathétique d’un
statut de “ sujet ” socialement reconnu.
Thierry Trémine s’est ensuite engagé avec brio dans une réflexion épistémologique et phénoménologique sur “ dépression /désespoir ”. Après un détour par J.J. Rousseau, Baudelaire et le “ despair ” anglais, il s’attache aux travaux de Jean-Pierre Falret, de Jankélévitch, de Jean Maisondieu, mettant en valeur les contenus sémantiques et leurs renvois sous-jacents à des conceptions philosophiques, voire religieuses, faisant aussi le distinguo nécessaire entre l’extension abusive du mot dépression dans le champ de la santé mentale et la rigueur conceptuelle et clinique de l’abord psychiatrique.
Diana Quattrocchi-Woisson est chercheuse
au CNRS. Elle s’est livrée à “ une lecture historique de
la crise argentine ” en marquant ses distances par rapport à l’histoire
officielle et en posant la question “ quel est notre vrai passé
? ”. Elle inventorie les crises successives qui, depuis le XIXème
siècle, ont émaillé les fausses alternances entre
radicalisme et péronisme. S’ y sont ajoutés l’absence d’une
gauche crédible, l’échec politique de chaque prise de pouvoir
par l’armée dont le dernier avatar fut la guerre des Malouines,
le saccage des assises économiques et sociales par un libéralisme
obtus débouchant sur la crise actuelle, la plus profonde dans l’histoire
du pays. Pour Diana, l’Argentine est arrivée à la fin d’un
long cycle ; du bouleversement de 2002, semble émerger une nouvelle
culture politique qui marque un tournant.
En conclusion, elle ajoute un constat
plus qu’une question : L’Argentine reste marquée plus par l’imaginaire
et la psychanalyse que par l’histoire…
La deuxième partie du colloque, présidée par Dominique Wintrebert, s’est ouverte par la projection d’un film “ Que se vayan todos ”, commenté par son réalisateur Daniel Borrillo. On n’est pas prêt d’oublier certaines séquences et interviews faits dans la rue au milieu des manifestants criant leur révolte, leur dégoût des hommes au pouvoir mais aussi leur solidarité dans l’épreuve.
Juan Carlos Stagnaro, avec la force
de sa conviction et de sa compétence, s’est livré à
un premier inventaire prospectif des conséquences sanitaires et
psychologiques de la crise actuelle : déjà le nombre des
urgences psychiatriques a doublé en deux ans, la consommation
de médicaments a explosé, la “ fatigue émotionnelle
” est devenue une cause fréquente d’hospitalisation, les décompensations
chez les “ nouveaux ” chômeurs sont légion. Sur un plan de
santé publique, la malnutrition chez les enfants a pris des proportions
alarmantes, la fréquentation scolaire est malmenée et l’on
assiste à “ une oligophrénisation ” rampante de masse. Des
séquelles massives sont en quelque sorte programmées.
On a assisté, nous dit Juan
Carlos, à une planification de l’inégalité sociale
qui constitue un génocide. L’ombre de Thanatos a, certes, plané
sur l’époque des militaires mais elle n’a pas désarmé
sous l’ère du néolibéralisme…
C’est une table ronde dirigée par Véronique Dreyfus qui a clôturé la journée. Ont successivement pris la parole :
- Jean Garrabé qui, avec la verve et la culture qu’on lui connaît, a rapporté les travaux de Legrand Du Saulle sur “ l’état mental des habitants de Paris pendant les évènements de 1870-1871 ” tels qu’on peut les retrouver dans les Annales médico-psychologiques de l’époque. Médecin adjoint de l’Infirmerie spéciale près du dépôt, “ toléré ” par la Commune, témoin des ravages de la famine et du froid, il n’aurait pas constaté d’augmentation du taux d’aliénation (ce qui peut surprendre, encore que la baisse des internements pendant la deuxième guerre mondiale aille dans le même sens) mais il eut là l’occasion d’approfondir la description de cas de “ stupidité mélancolique ”.
- Diana Kamienny-Boczkowski, en abordant “ crise sociale et usages du corps ”, est revenu sur trois drames de la dictature : les enfants de disparus adoptés par des militaires, la destruction des corps sans déclaration de décès, le deuil impossible des mères de la place de Mai.
- Eduardo Mahieu s’est projeté dans l’avenir avec “ le sujet de la crise politique ” en pointant les interférences entre la crise argentine et la mondialisation et en soulignant la différence qu’il perçoit entre les manifestations actuelles en Europe et en Argentine : les premières étant sans lendemain, les secondes, véritable lame de fond, empreintes de solidarité.
Empanadas et vins de là-bas ont permis de prolonger les échanges, échanges qui voulaient affirmer symboliquement la solidarité des participants avec le peuple argentin.
Pierre Noël
CONFERENCE-HOMMAGE
A JOSÉ BLEGER
Maison de l'Amérique Latine.
16 juin 2003.
La conférence-hommage à José Bleger organisée à la Maison de l'Amérique Latine fut introduite par la "Situation de l'œuvre de José Bleger dans son contexte historique" par Alejandro Dagfal, qui souligna l'influence des idées françaises sur la psychologie dans les débuts de la pensée psychiatrique et psychanalytique argentine de début de siècle, et comment ce lien se poursuivit par la traduction entreprise par Bleger des ouvrages de Georges Politzer, un des premiers à faire une étude critique marxiste de la psychanalyse. Bleger deviendra un personnage incontournable dans les idées psychologiques en Argentine. Il a tenté de construire un projet global cherchant à lier étroitement la théorie et la pratique psychologiques.
Juan David Nasio a abordé sur un ton plus personnel sa rencontre avec Bleger, leur militance commune, puis leur rencontre à Paris. Ceci lui a donné l'occasion de faire le lien entre les concepts de Bleger autour du cadre et sa propre réflexion à ce sujet.
Yves Thoret a commenté en détail un des ouvrages majeurs de Bleger, Symbiose et ambigüité, rappelant que le texte fut traduit en français en 1981, et qu'il reçut un accueil intéressé par les collègues français. Pour Thoret, ce titre résume en lui-même l'idée centrale de sa recherche : le lien basé sur la symbiose, un lien symbiotique toujours ambigu, dont les noyaux ambigus marquent la persistance de l’organisation psychologique primitive indifférenciée.
Enfin, la conférence fut close
par Leopoldo Bleger, le fils de José, qui à travers des précisions
biographiques et des anecdotes, a souligné le caractère ouvert,
créatif et moderne de la pensée de son père, ce que
la discussion des orateurs avec la salle a permis de confirmer.
SITE INTERNET
Prochainement vous pourrez consulter
sur notre site un entretien avec Jean
Garrabé faisant suite à son intervention au congrès
d'A.P.S.A. qui a eu lieu à Mar del Plata en avril 2003. Dans cet
entretien, Jean Garrabé expose ses rapports avec le monde hispanique
de la psychiatrie et son point de vue sur la nouvelle révision de
la classification française des troubles psychiques de l'enfant
et l’adolescent dont la particularité est d'être influencée
par la psychanalyse et qui, en cours de traduction à l'espagnol,
devrait bientôt paraître à Buenos Aires.